Anomalies de la cicatrisation : Clinique et prise en charge

La cicatrisation des plaies aigues est l’ensemble des mécanismes cellulaires et moléculaires mis en jeu pour restaurer l’intégrité anatomique et fonctionnelle de la barrière cutanée.

Le processus normal de cicatrisation suit quatre grandes étapes débutant à la suite immédiate de la plaie et se poursuivant jusqu’à la cicatrisation totale⁴ :

La phase de coagulation et d’hémostase

• Un caillot composé de fibrine, fibronectine, vitronectine, facteur de Willebrand et thrombospondine⁵ se forme immédiatement après la lésion.
• Le caillot interrompt le saignement tou t en recrutant les cellules inflammatoires qui assureront la détersion de la plaie.
• Le caillot de fibrine fournit également un substrat matriciel sur lequel les cellules impliquées dans la cicatrisation pourront par la suite se développer et se multiplier : polynucléaires neutrophiles, macrophages, cellules endothéliales et fibroblastes.

La phase inflammatoire

La phase inflammatoire peut se subdiviser en 2 phases :

Phase inflammatoire précoce

Elle débute à la fin de la phase de coagulation :

• Activation du complément
• Infiltration de polynucléaires neutrophiles (24h à 36h après la plaie) chargés de prévenir les infections bactériennes et de détruire les particules étrangères et les tissus endommagés.

Phase inflammatoire tardive (48h à 72h après la plaie)

• Recrutement de macrophages sur le site de cicatrisation par des agents chémoattractants (composants du complément, cytokines, produits de dégradation de l’élastine et du collagène).
• Les macrophages constituent un important réservoir de facteurs de croissance et d’autres médiateurs cellulaires et conduisant à l’activation des kératinocytes, des fibroblastes et des cellules endothéliales.
• Recrutement de lymphocytes sur le site de cicatrisation 72h post-lésion.

La phase proliférative

Elle débute lorsque la réponse immunitaire est installée, environ 3 jours post-lésion et jusqu’à environ 2 semaines après. Elle est marquée par :

• La prolifération suivie de la migration des fibroblastes et myofibroblastes, et la synthèse d’une nouvelle matrice extracellulaire
• La synthèse de collagène I et III par les fibroblastes. Les fibres sont orientées parallèlement aux lignes de tension cutanées.
• Une angiogenèse à partir des vaisseaux existants, et la synthèse de tissu de granulation.
• La contraction de la plaie par les myofibroblastes permettant le rapprochement des deux bords de la plaie.

La phase de remodelage

• Elle peut se prolonger jusqu’à 1 à 2 ans.
• Elle correspond au remodelage du tissu de granulation par l’action de collagénases et par l’apoptose de cellules résiduelles, ainsi qu’au déploiement d’un tissu cicatriciel mature.
• A l’issue de cette phase de remodelage, la cicatrice est dépourvue de vaisseaux, présente une diminution de l’activité métabolique locale ainsi qu’une restauration partielle mais incomplète de sa résistance à la traction (élasticité).

La cicatrisation est complète lorsque la peau et les autres tissus impliqués dans la blessure ont retrouvé leur apparence, leur fonction et leur structure anatomiques initiales.

• Ce processus dure entre 5 à 10 jours, et peut aller jusqu’à 30 jours en situation non pathologique (en dehors de la phase de remodelage).
• En fonction de la gravité de la plaie et des facteurs individuels tels que l'âge, l'état de santé général, le traitement et les antécédents médicaux, le processus de cicatrisation peut être modifié et aboutir à des cicatrices de mauvaise qualité ou pathologiques.

• Les principales anomalies de la cicatrisation aigüe des plaies sont les cicatrices hypertrophiques et les cicatrices chéloïdes, mettant en jeu des mécanismes moléculaires et cellulaires différents.
• Toutes deux sont néanmoins caractérisées par un excès de production de collagène par rapport à une peau normale : 7 fois plus de collagène dans les cicatrices hypertrophiques, 20 fois plus dans les cicatrices chéloïdes⁶.

Cicatrices hypertrophiques

• Lésions, érythémateuses et prurigineuses formant un renflement et restant confinées au site lésionnel¹.
• Zones préférentielles d’apparition : près des articulations ou d'autres zones aux tensions.
• Développement rapide après la plaie (4 à 12 semaines).
• Evolution satisfaisante avec atténuation progressive et aplatissement au cours du temps.

Cicatrices chéloïdes

• Les cicatrices chéloïdes sont plus fréquentes chez les individues à peaux foncées que sur les peaux blanches.
• Elles font saillie à partir du site de la plaie d'origine : éraflure, piqûre d'insecte, piqure de vaccination, perforation (piercing), acné, plaies chirurgicales ou brûlures, généralement dans les zones cutanées dépourvues de follicules pileux (cou, poitrine, épaules, haut du dos, lobes de l’oreille, abdomen).
• Elles peuvent apparaître plusieurs années après le traumatisme et se développent plus lentement que les cicatrices hypertrophiques.
• Contrairement aux cicatrices hypertrophiques, les chéloïdes envahissent la peau environnante et ne font pas de régression spontanée.
• Elles sont fréquemment récidivantes et peuvent induire un profond stress au patient⁷.

Facteurs influençant la cicatrisation

• La direction de la plaie par rapport aux lignes de tension cutanées (lignes de Langer) : l’orientation de la plaie doit être parallèle aux lignes de Langer pour obtenir une cicatrice de bonne qualité. Les plaies chirurgicales se réfèrent à ces lignes de tension. Les plaies traumatiques perpendiculaires à ces lignes (notamment au niveau d’un pli de flexion) donneront systématiquement une cicatrice rétractile.
• Le siège de la plaie :
  • Les régions taboues : quelle que soit la technique chirurgicale, on observera habituellement des cicatrices hypertrophiques ou chéloïdes au niveau de la ceinture scapulaire, des régions deltoïdiennes, pré-claviculaires et pré-sternales.
  • Les régions à peau fine (paupières) : cicatrisent rapidement avec un excellent résultat à l’inverse des peaux épaisses des régions séborrhéiques qui cicatrisent mal.