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Comptes-rendus rédigés par Pr Lise BOUSSEMART, Dermatologue France
Par
Pr Lise BOUSSEMART
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Orateurs : Alessandra Handisurya, Alexandra Geusau, Bruno Watschinger, Deniz Seckin, Catherine A. Harwood , Jan Nico Bouwes Bavinck
Article rédigé par Pr Lise BOUSSEMART
Chers confrères,
C’est avec grand plaisir que je vous retrouve cette année encore pour les résumés du congrès EADO qui se tient en présentiel (enfin !) à Séville. C’est le premier congrès international d’oncodermatologie qui se tient en présentiel depuis la pandémie, et cela fait beaucoup de bien.
Le congrès a commencé ce 21/04 par une mise à jour des connaissances sur les risques cutanés relatifs aux transplantés d’organes, par le groupe SCOPE « skin care in organ transplant patients », groupe de dermatologues européens fondé il y a plus de 20 ans, pour optimiser la prise en charge dermatologique propre aux patients greffés.
Plus d’informations sur leur site web https://www.scopenetwork.org/
Incidence toujours très augmentée des carcinomes épidermoïdes cutanés chez le patient transplanté
Alors que la première transplantation rénale date de 1954 à Boston, le risque accru de cancers cutanés n’a été décrit qu’en 1973, est n’est toujours pas résolu aujourd’hui. C’est ainsi qu’Alessandra Handisurya a rappelé l’incidence toujours très augmentée des carcinomes épidermoïdes cutanés chez le patient transplanté (x65 à 100 par rapport à la population générale). Ces carcinomes sont multiples, à croissance relativement rapide et douloureuse, et fréquemment en lien avec une co- infection HPV (human papilloma virus). De l’ADN de beta HPV est détectable dans 80 % des carcinomes épidermoïdes des greffés vs 40 % des carcinomes épidermoïdes cutanés « classiques ». L’HPV permet de faire survivre des kératinocytes ayant subi des agressions génotoxiques. Une séropositivité beta HPV au moment de la transplantation tendrait même à prédire la survenue ultérieure de carcinome épidermoïde (p=0,043). L’HPV est aussi responsable dans cette population de l’incidence plus élevée de verrues cutanés, papillomes/condylomes oro-génitaux, voire néoplasies génitales.
L’exemple de la souris transgénique exprimant le beta HPV8 dans son épiderme a montré une augmentation de papillomes cutanés et carcinomes épidermoïdes sous exposition UV (Uberoi A. et
al., PLOS pathog 2016), a fortiori en cas d’immunodépression (Dorfer S. et al., Am J Transplant 2021). De façon intéressante, l’HPV semble facilitateur pour déclencher le carcinome, mais pas nécessaire pour entretenir son évolution ultérieure. Se pose donc la question du vaccin HPV en prévention chez tout transplanté d’organe, même après l’adolescence (essais cliniques en cours).
Rôle de l’exposition solaire dans la survenue des carcinomes épidermoïdes des transplantés Alexandra Geusau a ensuite rappelé le rôle de l’exposition solaire dans la survenue des carcinomes épidermoïdes des transplantés, avec notamment la mise en cause de l’exposition intentionnelle de loisirs du corps complet (plage, etc.). Le risque augmente notamment sur phototype clair, notamment les patients porteurs de certains variants du gène MC1R, présentant les yeux bleus ou verts ou des kératoses actiniques. Le « Skin aging score » (score de vieillissement cutané, avec ses composantes intrinsèque et extrinsèque) permet de calculer le « TSA score » (total skin aging score), pour préciser le risque individuel.
Remise en cause l’irrévocable contre-indication théorique de transplantation rénale en cas d’ATCD de cancer
Bruno Watschinger, néphrologue, a quant à lui remis en cause l’irrévocable contre-indication théorique de transplantation rénale en cas d’ATCD de cancer (y compris cutané). Il a critiqué les décisions strictement basées sur le SIR (ratio d’incidence standardisée, Benoni et al, Transplant Int 2020). En effet, beaucoup de SIR de cancers sont augmentés chez le patient greffé rénal par rapport à la population générale (carcinomes épidermoïdes cutanés ; labiaux, etc.). Mais selon lui, le SIR devrait, dans cette population, être interprété par rapport à la population des patients dialysés, puisque l’alternative à la transplantation rénale reste la dialyse. Or chez les dialysés, il y existe un risque x4 de cancer du rein, mais aussi un risque x9 de sarcome de Kaposi, x2 de mélanome, etc. Il existe en pratique un risque de cancers tous confondus de 10 % sur 5 ans de dialyse, et un risque de mortalité de 5 % par an, notamment par risque cardio vasculaire extrême, nettement réduit chez les transplantés (même si cette dernière population est certes sélectionnée). Cela explique la tendance actuelle à revoir à la baisse la contre-indication théorique de transplantation rénale chez les patients avec ATCD de cancer en rémission. Par exemple, un antécédent de mélanome in situ ne devrait plus représenter une contre-indication formelle. Pour les mélanomes invasifs, les décisions se discutent au cas par cas.
PTLD : « Post transplant lymphoproliferative disorders », ou syndrome lymphoprolifératif post-greffe
Deniz Seckin était la 4e oratrice de la journée. Elle a parlé des PTLD : « Post transplant lymphoproliferative disorders », ou syndrome lymphoprolifératif post-greffe (1 à 2 % des greffés rénaux). Le PTLD est souvent lié à une infection EBV au décours de la transplantation, et concerne majoritairement les hommes (77 %) autour de l’âge de 58 ans.
Certains PTLD ont une présentation cutanée, plus souvent secondaire que primitive, mais il s’agit d’une entité à connaître, pouvant se présenter sous forme de lymphome anaplasique à grandes cellules ou de mycosis fongoides, particulièrement agressifs dans ce contexte de transplantation. La plupart des PTLD cutanés primitifs sont d’origine lymphocytaire T (69 %), le reste dérivant des lymphocytes B (31 %, associés à EBV dans 91 % des cas, de relativement meilleur pronostic).
L’oratrice regrettait que cette entité reste souvent oubliée des classifications de lymphomes cutanés.
Complications cutanées des patients transplantés de « couleur » (phototypes IV à VI)
Catherine A. Harwood a traité le sujet des complications cutanées des patients transplantés de
« couleur » (phototypes IV à VI), qui représentent 2/3 des patients candidats à la transplantation à Londres où elle exerce. Sans surprise, les carcinomes et mélanomes cutanés sont beaucoup plus rares dans ces populations que chez les patients transplantés de phototype clair. Le seul cas de
mélanome métastatique qu’elle a rapporté à propos d’un patient de phototype foncé était en réalité un cas transmis par le donneur d’organe.
Par contre, les patients transplantés à phototype foncé restent sujets aux néoplasies HPV induites, ce qui nécessite une vigilance clinique anogénitale attentive de la part du dermatologue. Les sarcomes de Kaposi affectent en particulier les populations originaires d’Afrique sub saharienne, en raison de la forte prévalence HHV8 endémique.
Enfin, l’éviction solaire couplée au phototype foncé, favorise les carences en vitamine D, à rechercher voire à supplémenter.
Rétrospective de 30 ans de dermatologie auprès de transplantés d’organe
Le dernier orateur de la session des transplantés, Jan Nico Bouwes Bavinck, nous a conté sa rétrospective de 30 ans de dermatologie auprès de transplantés d’organe à Leiden. Il a participé à démontrer l’intérêt de acitrétine, qui à la dose de 30mg/j permet de retarder l’apparition des carcinomes épidermoïdes dans un essai en double aveugle vs placebo (JN Bavinck et al., JCO 1995). Aujourd’hui, il préconise plutôt de commencer à 10mg/j, et de se limiter à 20mg/j maximum, en raison des effets secondaires à type de lèvres sèches, perte de cheveux. Après exérèse d’un carcinome épidermoïde, l’intérêt du sirolimus a été décrit dans JCO 2013, mais ce traitement immunosuppresseur est relativement mal toléré et son utilité est discutable au-delà de 2 ans post exérèse.
La prévention est d’importance majeure, comme l’a rappelé le Dr Nageli, avec son cas de patient transplanté pulmonaire atteint de carcinome épidermoïde métastatique (primitif de lèvre, forte charge mutationnelle), décédé sous anti PD-1 (cemiplimab), pour rejet de greffon malgré une rémission complète du carcinome.
Orateurs : Pr Aimilios Lallas
Article rédigé par Pr Lise BOUSSEMART
La première session pleinière du congrès était dédiée à la dermoscopie des lésions non pigmentées, présentée par le Pr Aimilios Lallas. Contrairement aux lésions pigmentées, la dermoscopie des lésions non pigmentées mène plus à l’indication ou non de procéder à une biopsie/exérèse qu’au diagnostic exact de la lésion. Il a été en effet démontré que la dermoscopie améliore significativement la capacité des dermatologues à poser un diagnostic de lésion non pigmentées, mais ce diagnostic reste erroné dans 2/3 des cas dans une étude parue dans le Blue Journal il y a quelques années.
Le Pr Aimilios Lallas a décrit les 2 différents algorithmes à adopter en cas de lésion non pigmentée : le premier en cas de lésion en relief (« nodulaire ») et le second en cas de lésion plane.
En cas de lésion en relief (« nodulaire ») :
D’abord, recherche la présence de « lacunes » (structures vaculaires arrondies).
Si elles sont présentes, sans autre vaisseau visible que des lacunes, il s’agit d’un angiome, pas de biopsie nécessaire.
Si elles sont absentes, le deuxième signe à rechercher est la présence de vaisseaux en virgule
(« Comma vessels » en anglais). Leur présence authentifie le diagnostic de naevus dermique, lésion qui a tendance à perdre sa pigmentation avec l’âge.
En cas d’absence de lacunes et de vaisseaux en virgule, la présence de vaisseaux linéaires en encorbellement (« White clods linear vessels »), en périphérie, est à rechercher, pour poser le diagnostic d’hyperplasie sébacée.
Si tout cela est absent, mais qu’il y a présence de vaisseaux en épingle à cheveux (« Milial brain like hairpin »), il s’agit d’une kératose séborrhéique.
En l’absence de tous les signes sus-cités, une histologie est recommandée.
En cas de lésion plane :
En cas de présence d’ulcération : les vaisseaux linéaires ramifiés évoquent un carcinome basocellulaire superficiel. L’absence de ces vaisseaux doit motiver la biopsie (CE ? CBC ? mélanome ?).
En l’absence d’ulcération : les vaisseaux glomérulaires, hélicoïdaux ou linéaires courts évoquent une maladie de Bowen, tandis que le reste doit motiver une biopsie (Spitz, kératose lichénoïde, mélanome achromique…). Les lignes blanches perpendiculaires brillantes dites « chrysalides », visibles en lumière polarisée, font évoquer un mélanome.
Orateurs : Ketty Peris, Alex Stratigos, Marie-Léa Gauci, Philippe Saïag, Céleste Lebbé
Article rédigé par Pr Lise BOUSSEMART
Carcinomes basocellulaires : l’efficacité du cemiplimab en cas de résistance aux inhibiteurs de la voie Hedgehog
Ketty Peris a présenté la principale nouveauté de l’année dans les carcinomes basocellulaires : l’efficacité du cemiplimab en cas de résistance aux inhibiteurs de la voie Hedgehog.
Pour rappel, le carcinome basocellulaire inopérable (localement avancé ou métastatique) peut être traité efficacement par un inhibiteur de la voie Hedgehog de type sonidegib 200mg/j ou vismodegib 150mg/j, avec une probable meilleure tolérance pour le sonidegib (à confirmer par une étude prospective comparative). En cas de résistance primaire ou secondaire à ces thérapies ciblées, le cemiplimab 350mg intraveineux toutes les 3 semaines, a été récemment démontré comme potentiellement efficace, et est déjà disponible dans certains pays européens (Stratigos AJ et al., Lancet Oncology 2021).
Nouvelles dans le carcinome épidermoïde (CE)
Alex Stratigos a ensuite présenté les nouvelles dans le carcinome épidermoïde (CE).
Il semblerait qu’après la distinction bien admise de CE à faible risque vs haut risque de récidive, une nouvelle classe de CE à très haut risque semble intéressante : >4 cm de diamètre, épaisseur
>6mm, atteinte au-delà de l’hypoderme, voire jusqu’à l’os, avec métastases en transit, et/ou envahissement périnerveux. Pour ces CE, les marges chirurgicales devraient être plus larges (10mm minimum), l’imagerie indispensable (échographie), et une radiothérapie adjuvante reste conseillée devant tout envahissement périnerveux ou en cas de multiples facteurs de risque.
Il n’existe toujours pas de preuve d’intérêt du ganglion sentinelle, bien que les recommandations américaines le conseillent en cas de CE à très haut risque.
Au stade métastatique ou localement avancé inopérable, le traitement de choix reste l’immunothérapie par anti PD-1 (cemiplimab 350mg/3semaines ou pembrolizumab 200mg/3 semaines) puis en cas d’échec, la chimiothérapie et/ou le cetuximab.
Les futures avancées concerneront probablement l’immunothérapie adjuvante ou néoadjuvante des carcinomes épidermoïdes, les essais cliniques sont en cours (cemiplimab, pembrolizumab).
Nouvelles recommandations EADO du carcinome de Merkel
Marie-Léa Gauci a ensuite rapporté les nouvelles recommandations EADO du carcinome de Merkel, selon la réunion de consensus du 13 juillet 2021 :
La marge recommandée est bien désormais de 1 cm (2 autrefois) pour faciliter la rapidité d’exécution de la radiothérapie adjuvante qui doit être débutée dans les 8 semaines suivant la chirurgie.
Le ganglion sentinelle doit être proposé à tout carcinome de Merkel peu importe la taille, et en cas de positivité, une radiothérapie adjuvante ganglionnaire doit être réalisée.
Au stade inopérable, le traitement de choix reste l’avelumab en Europe, puis la chimiothérapie, mais si possible plutôt l’inclusion en essai clinique. La radiothérapie a un intérêt également palliatif.
Il n’existe que de très rares données d’efficacité de l’avelumab chez le patient transplanté, cas cliniques uniquement, mais en cas d’hémopathie responsable d’immunodépression, comme dans le CE : il existe de belles réponses.
Recommandations de 2015 concernant le DFSP (dermatofibrosarcome de Darier-Ferrand) Philippe Saïag a ensuite mis à jour les recommandations de 2015 concernant le DFSP (dermatofibrosarcome de Darier-Ferrand).
Très fréquente fusion de COL1A1 ET PDGFbeta, CD34+ (breast : col6a3 PDGFdelta
Le traitement doit privilégier une exérèse du fascia profond, avec des marges latérales de 1 à 1,3 cm en chirurgie 3 D ou Mohs (ou 3 cm si Mohs impossible), avec marquage CD34 en IHC sur la pièce opératoire.
Du fait des très fréquentes fusions de COL1A1 avec PDGFbeta (ou COL6A3 avec PDGFdelta), l’imatinib peut être efficace et ce même à la dose de 400mg/j, bien tolérée avec la même efficacité que 800mg. Il a un intérêt également parfois en néoadjuvant. Taux de réponse 55,2 %, réponses complètes 5,2 %.
La surveillance doit être semestrielle 5 ans puis annuelle.
Nouveautés dans le sarcome de Kaposi
Enfin, Céleste Lebbé a présenté les nouveautés dans le sarcome de Kaposi. Au-delà des recommandations qu’elle avait publiées en 2019 (Lebbe et al., European Journal of Cancer 2019), selon les différents types de sarcomes de Kaposi, elle a rappelé que le meilleur traitement des formes symptomatiques localisées reste la radiothérapie. En cas d’atteinte trop diffuse, la première ligne de traitement systémique reste la chimiothérapie : doxorubicine liposomale pégylée et paclitaxel, 50 à 70
% de réponses.
Un nouveau traitement est cependant approuvé aux US depuis peu dans le sarcome de Kaposi : le pomalidomide avec ses 71 % de réponse. Il s’agit du même taux de réponse que les 71 % décrits sous immunothérapie par pembrolizumab (Delyon J et al., Lancet Oncology 2022).
Voilà pour la première journée. En attendant demain pour la suite, laissez-moi vous informer, car je n’étais pas au courant moi-même, que l’adhésion à l’EADO est gratuite. C’est assez rare pour être signalé. Si vous êtes très intéressés par l’oncodermatologie (et cela semble être le cas si vous avez lu jusque-là !) : https://www.eado.org/about-eado/join-eado/11.
Orateurs : Amit Roshan, Terouz Pasha, Cristina Mangas, Lukas Kraehenbuehl, An-Sophie Vander Mijnsbrugge a, Aleksandar Popovic
Article rédigé par Pr Lise BOUSSEMART
Chers amis,
Pour débuter la deuxième journée de l’EADO, j’ai choisi d’assister aux communications orales sélectionnées, à propos de la prise en charge du mélanome.
Amit Roshan a rapporté les résultats de son étude portant sur 925 patients, démontrant l’absence de différence significative de pronostic à 5 ans, à procéder à l’injection du traceur nanocolloïde Tc-99m, la veille ou le jour-même de l’adénectomie du ganglion sentinelle. C’est une bonne nouvelle, car son hypothèse était que peut-être, allonger le délai entre l’injection et la chirurgie
favoriserait les faux négatifs par migration du traceur dans un ganglion voisin du vrai sentinelle. Que le traceur soit injecté la veille ou le jour-même, le ganglion sentinelle était positif dans 1 cas sur 5.
Terouz Pasha de Cambridge a comparé la valeur prédictive de cette technique du ganglion sentinelle dans un contexte de mélanomes de tête et cou (réseau lymphatique complexe) vs tronc et membres (réseau lymphatique plus simple).
Sur les 1080 patients inclus, d’âge médian 59,8 ans, les résultats montrent 3 fois plus de faux négatifs parmi les 147 patients atteints de mélanome de la tête et cou. Un risque de fausse réassurance à garder en « tête », c’est le cas de le dire, dans cette population en particulier.
Cristina Mangas a ensuite parlé d’effets secondaires de l’immunothérapie, notamment un cas de succès de traitement par omalizumab, anticorps monoclonal ciblant les IgE, pour une pemphigoïde bulleuse immuno-induite, résistante à la corticothérapie et au méthotrexate.
Ce traitement ciblé pourrait également être intéressant en cas de syndrome hyperéosinophilique secondaire à l’immunothérapie.
Lukas Kraehenbuehl, a quant à lui présenté son étude rétrospective portant sur les patients ayant développé une dermatose bulleuse auto-immune post immunothérapie entre 2005 et 2021 au Memorial Sloan Kettering Cancer Center.
Parmi ces dermatoses bulleuses, il distingue 4 entités :
- pemphigoïde bulleuse, avec immunofluorescence directe (IFD) évocatrice ou présence d’Ac anti BP180/230 (n=36),
- lichen plan bulleux, avec histologie lichénoïde mais IFD et autoanticorps négatifs (n=8),
- lichen plan pemphigoïde, avec histologie lichénoïde et IFD ou présence d’Ac anti BP180/230 (n=5),
- dermatose bulleuse auto-immune de chevauchement (« overlap ») avec présence d’Ac anti BP180/230 et DSG1/DSG3 (n=7)
Sa technique d’immunohistochimie multiplex a mis en évidence un infiltrat immunitaire CD8+ majoré dans les dermatoses lichenoïdes, à proximité de la membrane basale.
Peut-être la présentation la plus audacieuse/innovante de la matinée : An-Sophie Vander Mijnsbrugge a montré des réponses impressionnantes de mélanomes métastatiques au regorafenib, un
multikinase inhibiteur bloquant BRAF V600, mais aussi A/B/CRAF sauvages.
Son étude rétrospective portait sur 12 patients, en progression après de multiples traitements, traités par 40-80mg/j per os en continu de regorafenib donné à titre gracieux par Bayer (AMM dans le cancer colorectal, le GIST et le carcinome hépatocellulaire).
Dans cette population de sombre pronostic, il a été observé 2 réponses partielles (mélanomes mutés NRAS et BRAF V600, en combi avec un anti MEK).
Aleksandar Popovic a présenté son étude rétrospective sur 59 patients avec mélanome inopérable ou métastatique, qui confirme le mauvais pronostic des LDH élevés sous immunothérapie. Il invoque l’effet immunosuppresseur propre aux LDH, rapporté par S Daneshmandi et al., Cancers 2019 : un shLDH-A (soit l’inhibition « artificielle » de l’expression de la lactate deshydrogénase A) améliorerait l’efficacité des anti PD-1 dans un modèle de mélanome murin.
Orateurs :Tthomas Dirschka, Nicole Kelleners-Smeets
Article rédigé par Pr Lise BOUSSEMART
La deuxième session du matin concernait les nouveautés dans le champ des kératoses actiniques (KA).
La principale nouveauté de l’année est l’arrivée d’un nouveau traitement topique des KA :
La tirbanibuline pommade 1 % (Klysiri), 1 application/j, 5 nuits de suite, sur une zone limitée à 25cm2, est désormais approuvée pour les KA du cuir chevelu et du visage. D’après Thomas
Dirschka, elle est facile à appliquer, ne coule pas, et induit peu d’effets secondaires. Son mode d’action est l’inhibition de la polymérisation de la tubuline et donc de la mitose, avec 72 % de
réponse partielle (elle-même définie par une diminution d’au moins 75 % des KA cibles, Blauvelt A et al., NEJM 2021).
Ce nouveau traitement « court » est le bienvenu, dans une pathologie où l’observance des traitements longs peut être mise à mal.
Cependant, le 5FU topique garde toute sa place en prévention des carcinomes épidermoïdes (MA Weinstock et al., JAMA Dermatol 2018 ; M Jansen et al., NEJM 2019), devant l’imiquimod et la PDT. Bien que classiquement employé à 5 %, une nouvelle formulation du 5FU à 4 % est disponible depuis 2020 globalement en Europe et 2021 aux Etats-Unis, et est mieux tolérée tout en restant efficace (80 % de succès à 4 semaines). Cette nouvelle crème (TolakR) n’est malheureusement pas disponible en France, j’ignore pourquoi.
Thomas Dirschka a souligné que les taux de réponse aux traitements de KA rapportés dans la littérature sont à interpréter au regard du nombre de KA prises pour cibles au départ (zone baseline). Une stratégie pour obtenir un meilleur taux de guérison que le concurrent étant de limiter la superficie de la zone à traiter.
Il a par ailleurs partagé son astuce pour pratiquer la daylight PDT (moins douloureuse que la PDT conventionnelle) tout en s’affranchissant des aléas de la météo : la PDT en lumière du jour artificielle (1h de pose, 1 heure d’illumination en intérieur).
Nicole Kelleners-Smeets a précisé qu’une KA isolée régresse spontanément dans 15 à 63 % des cas, mais ce pourcentage chute à 0 % chez les transplantés d’organe. C’est d’autant plus problématique qu’il s’agit d’une population très à risque de KA (risque x250: ils sont 35 à 40 % à en présenter dans les 5 ans post transplantation) et de carcinomes épidermoïdes (Carla FERRANDIZ). Verbaliser le caractère « précancéreux » des KA aide à motiver les patients dans leur prévention/traitement.
En prévention chez le patient transplanté, quand il n’est pas possible d’alléger le traitement immunosuppresseur, Ketty PERIS a une préférence pour l’acitrétine 10mg/j plutôt que pour le nicotinamide qui n’a pas encore fait ses preuves dans ce contexte (essais cliniques en cours). Dans les rares cas de champs de cancérisation extrême, résistants aux traitements, la capecitabine per os (500mg x2/j, 1 semaine sur 2 pendant 1 à 3 mois, puis 1000mg x2/j, 2 semaines/cycle de 21 jours) peut être efficace (DM Schauder et al., JAMA Dermatol 2020).
Orateurs : Pr Axel Hauschild
Article rédigé par Pr Lise BOUSSEMART
Plus un cancer est muté dans son ADN, plus il répond à l’immunothérapie par inhibiteurs de checkpoint, ce qui explique le succès des anti PD-1 dans les carcinomes cutanés, classiquement porteurs d’une forte charge mutationnelle, secondaire aux UV.
Ainsi, le cemiplimab a démontré son efficacité dans le carcinome épidermoïde (MR Migden et al., NEJM 2018): 47,2 % de réponses dont 20 % de réponses complètes, et ce, de façon rapide et durable. 63,8 % des réponses se prolongent après 3,5 ans. Pour ne rien gâcher, ce traitement est bien toléré même chez les personnes âgées.
Aujourd’hui, il s’administre en curatif toutes les 3 semaines 350 mg en intraveineux, mais il est à l’étude en sous-cutané ou toutes les 4 semaines, ainsi qu’en adjuvant et néoadjuvant.
Un essai clinique de phase II est également en cours, associant le cemiplimab au RP1 (virus oncolytique HSV-1 génétiquement modifié) en injection intratumorale.
Hors essai clinique, les premières données disponibles chez les immunodéprimés montrent des taux de réponse partielle atteignant 45,5 % (0 réponses complètes malheureusement).
Environ 50 % des transplantés rénaux rejettent leur greffe sous anti PD-1. Afin de réduire ce risque de rejet de greffe, ou encore le risque de poussée de maladie auto-immune pré-existante, un essai de phase 1 est en cours en intra-lésionnel. Ce mode d’administration du cemiplimab limiterait la toxicité systémique tout en permettant d’obtenir 71 % de réponse complète histologique (10/14 patients).
De façon intéressante, une première ligne d’immunothérapie augmenterait même les taux de réponse au cetuximab en 2e ligne : 54 % de réponses post anti PD-1 (JA Marin-Acevedo et al.,
abstract #9562, ASCO 2021) vs 28 % de réponses au cetuximab de 1er ligne (E Maubec et al., JCO 2012).
Au-delà des carcinomes épidermoïdes, le cemiplimab sera bientôt indiqué en 2e ligne dans le carcinome basocellulaire inopérable ou métastatique, mais cela a déjà été détaillé hier.
L’avelumab, anti PD-L1, donne quant à lui 47 % de réponses dans le carcinome de Merkel en 1er ligne en vraie vie. L’immunothérapie adjuvante ou néoadjuvante est actuellement étudiée dans cette indication également, premiers résultats attendus pour le congrès de l’ESMO 2022.
De beaux succès thérapeutiques des anti PD-1 ont également été décrits dans les sarcomes pléomorphes dermiques, très mutés également (tout comme les fibroxanthomes atypiques).
Enfin, même dans l’angiosarcome, dont le pronostic à 5 ans est sombre (8-18 % de survie), des succès d’immunothérapie (ipi 1mg/kg+ nivo) ont été récemment rapportés, notamment en cas d’atteinte faciale (essai de phase 2, MJ Wagner et al., Journal of Immunother Cancer, 2021).
Orateurs : Olivier Michielin
Article rédigé par Pr Lise BOUSSEMART
Olivier Michielin a procédé à une revue des traitements du mélanome d’aujourd’hui et de demain. Globalement, il préconise de privilégier l’association ipilimumab + nivolumab en première ligne dans le mélanome métastatique. En effet, une résistance acquise aux thérapies ciblées confère une résistance croisée à l’immunothérapie par modification du microenvironnement tumoral (L. HAAS et al., Nature Cancer 2021), d’où l’intérêt de plus en plus démontré de commencer par l’immunothérapie (essais cliniques DREAMseq, SECOMBIT, etc.) en cas de présence de mutations BRAF.
Une 2e génération d’anti CTLA-4, un « probody CytomX » (précurseur d’ipilimumab), arrive du côté de BMS, pour intensifier l’ADCC (cytotoxicité cellulaire dépendante des anticorps) spécifiquement au niveau de la tumeur, après clivage protéolytique local.
En alternative à l’ipilimumab, assez toxique quand combiné au nivolumab, arrive aussi le relatlimab, inhibiteur de LAG-3 de BMS, nouvelle immunothérapie luttant elle aussi contre
l’épuisement lymphocytaire T. Le relatlimab était particulièrement à l’honneur aux congrès de l’ASCO et l’ESMO 2022. Novartis développe son propre anti LAG-3 en parallèle, tandis que Roche a mis au point un anticorps monoclonal bispécifique à la fois anti PD-1 et anti LAG-3, qui a l’avantage d’activer les TILs sans les Tregs (LC Deak, SITC meeting 2019). Autre façon de potentialiser l’immunothérapie, l’agoniste de STING SB11285, visant à stimuler la voie de l’interferon, commence à être testé en administration systémique chez l’humain, avec ou sans atezolizumab.
Côté thérapies ciblées, le naporafenib (LXH254 de Novartis) est un prochain inhibiteur de BRAF et CRAF à l’étude dans le mélanome muté BRAF ou NRAS, résistant à l’immunothérapie.
Côté inhibition de l’angiogénèse, synergique avec l’immunothérapie, le lenvatinib est la thérapie ciblée la plus avancée.
Côté inhibition des neutrophiles infiltrant la tumeur, un inhibiteur d’IL-8 (BMS-986253) est actuellement testé avec le nivolumab (M Simonelli, AACR 2022).
Côté mélanome choroïdien métastatique, réputé très peu muté, le tebentafusp, a désormais sa
place en première ligne de traitement systémique (58,5 % de survie à 1 an, jamais égalée dans ce contexte). Il s’agit d’une protéine bispécifique permettant de réactiver la réponse lymphocytaire T contre les cellules exprimant la gp100, sous réserve d’un statut HLA-A*02:01 (P Nathan et al., NEJM 2021). Le tebentafusp s’administre de façon hebdomadaire, initialement dans le cadre d’hospitalisations cadrées.
De façon intéressante, même chez les patients non répondeurs, avoir reçu du tebentafusp retarde le décès.
Métastases cérébrales
Hussein Tawbi a traité le sujet des métastases cérébrales.
Pour rappel, alors que le mélanome est le cancer qui métastase le plus dans le cerveau, les données d’essais cliniques dans ce contexte sont extrêmement pauvres (seulement 775 patients vs 7 939 patients sans atteinte cérébrale).
Ce que l’on sait aujourd’hui, c’est qu’en cas de corticothérapie visant à réduire les symptômes neurologiques, l’efficacité des thérapies ciblées n’est pas impactée, à l’inverse de l’immunothérapie (anti CTLA-4 ou anti PD-1).
Prochainement, un essai de phase 2 associant le relatlimab au nivolumab va bientôt ouvrir pour les patients avec atteinte cérébrale à MD Anderson.
En attendant, à l’instar de l’essai clinique SECOMBIT, proposer 8 semaines de thérapie ciblée avant de passer à l’immunothérapie, le temps de se passer des corticoïdes, pourrait être une piste d’après Hussein Tawbi.
La place de la radiothérapie dans la chronologie des traitements reste discutée : des essais cliniques randomisés sont à venir.
Mélanomes à extension loco-régionale avancée
Alexander Van Akkooi, à qui incombait le sujet des mélanomes à extension loco-régionale avancée, a rappelé l’intérêt de la technique du membre perfusé isolé (« ILP ») en cas de résistance à l’immunothérapie et d’extension limitée à un membre. Cette technique est souvent « oubliée » dans les centres où elle n’est pas pratiquée.
Et voilà pour mon résumé de la 2e journée de l’EADO à Séville, que j’ai trouvée très riche. J’espère que vous aussi ! Je vous remercie d’avoir lu jusqu’ici et je vous dis à demain pour la suite !
Orateurs : Mercè Grau-Pérez, Penny Lovat, Georg Lodde, Robert Stassen, Neel Maria Helvind
Article rédigé par Pr Lise BOUSSEMART
Chers amis, voici donc venu le 3e et dernier jour du congrès de l’EADO 2022. J’ai commencé par la session des communications libres en recherche génétique ou épidémiologique des cancers cutanés.
Disparités d’incidence de mélanome sur une île des Canaries
Mercè Grau-Pérez a présenté son étude sur les disparités d’incidence de mélanome sur une île des Canaries (Gran Canaria), avec certaines zones électives de l’île affectées de 2 à 7 fois plus de
mélanomes que les taux attendus par rapport à une population du même âge (zone Nord-Est en particulier, entre 2007 et 2018).
Les disparités d’accès aux soins pourraient partiellement expliquer cela, mais ne sont pas une raison suffisante. Une prédisposition génétique liée au faible brassage, ou la pollution connue des eaux souterraines locales au radon/sulfates, pourraient être en causes.
Intérêt pronostic d’un marquage combiné (par immunohistochimie) de l’expression d’AMBRA1 et de la loricrine, dans l’épiderme sus jacent aux mélanomes non ulcérés de stade I/II
Penny Lovat de Newcastle a montré l’intérêt pronostic d’un marquage combiné (par immunohistochimie) de l’expression d’AMBRA1 et de la loricrine, dans l’épiderme sus jacent aux mélanomes non ulcérés de stade I/II.
Elle a montré que la perte de ces protéines est associée à un mauvais pronostic, indépendamment de l’indice de Breslow. Ce marquage a l’avantage d’être simple et peu coûteux.
La physiopathologie de ce phénomène est expliquée dans sa publication récente : c’est la sécretion de TFGb2 par le mélanome qui diminue l’expression d’AMBRA1 et de la loricrine par l’épiderme avoisinant (I Cosgarea et al., BJD 2022).
« Super répondeurs à l’immunothérapie »
Georg Lodde a quant à lui comparé le profil clinico-génétique des « super répondeurs à l’immunothérapie » (dans une cohorte de patients traités pour mélanome métastatique, il s’agit des répondeurs dès 3 mois, soit 8 % des patients traités) vs non répondeurs.
Les super répondeurs avaient un meilleur état général, avec moins de métastases en début de traitement. Leurs mélanomes primitifs étaient moins souvent ulcérés, et exprimaient plus fréquemment PD-L1 dans plus de 5 % des cellules de leur mélanome. Sur le plan génétique, ils étaient souvent mutés NF1 et/ou dans le promoteur de TERT. Leur charge mutationnelle tumorale était plus élevée que celle des non répondeurs (>10 mutations/Mb d’ADN), ce qui confirme les données de la littérature (L Dousset, F Poizeau et al., JCO PO 2021).
Sans surprise, ces « super réponses » sont durables et se traduisent en survie globale allongée.
Test prédictif « ClinicoPathological-GEP »
Robert Stassen a rapporté l’expérience d’utilisation du test prédictif « ClinicoPathological-GEP » (Skyline Dx) en vue de prioriser les opérations de ganglions sentinelles pendant la période covid, dans son centre. Ce test, prenant en compte l’âge au diagnostic de mélanome, le Breslow, et le profil d’expression de 8 gènes (MLANA, ITGB3, LOXL4, SERPINE2, PLAT, GDF15, TGFBR1, IL8), a été validé dans plusieurs cohortes indépendantes (D Bellomo et al, JCO PO 2020).
La faisabilité était bonne mais le process gagnerait à être plus rapide.
Parmi les patients testés qui ont quand même eu la procédure du ganglion sentinelle (n=148/176 patients testés), la sensibilité était de 93,3 %, la spécificité de 42,5 %, la valeur prédictive négative de 96,4 % et la valeur prédictive positive de 28 %. Parmi les 3/148 patients faux négatifs, 2 avaient une micrométastase dans leur ganglion sentinell.
Etude de cohorte nationale danoise de mélanomes
Neel Maria Helvind a enfin rapporté les résultats d’une étude de cohorte nationale danoise de mélanomes.
Les stades IIIA étaient de meilleur pronostic que les IIB et IIC : elle proposait donc peut-être d’alléger leur surveillance. Les stades IIB, IIC et IV affectaient des patients plus âgés, avec plus de comorbidités.
Orateurs : Giovanni Pellacani, Salvador Gonzalez, Julia Welzel
Article rédigé par Pr Lise BOUSSEMART
Giovanni Pellacani, Salvador Gonzalez et Julia Welzel ont l’un après l’autre recommandé la microscopie confocale +/- tomographie par cohérence optique (« OCT ») pour affiner le diagnostic les carcinomes/mélanomes douteux. Ils ont présenté quelques cas cliniques où ni la clinique ni la dermoscopie ne permettaient de trancher. A noter qu’un microscope confocal « lowcost » existe depuis peu, compatible avec smartphone (Curiel-Lewandrowski, C. et al., JAAD 2021, pour 6000 US dollars, et un poids d’1kg).
Julia Welzel a cité le « projet OCTOLAB », novateur, intégrant un laser à l’appareil OCT pour coupler diagnostic et traitement.
Orateurs : Peter Arenberger, Monika Arenbergerova, Zeljko Mijuskovic
Article rédigé par Pr Lise BOUSSEMART
Les soins de supports devraient être mis en place dès l’entrée en phase métastatique Peter Arenberger a rappelé que les soins de supports devraient être mis en place dès l’entrée en phase métastatique (voire dès le diagnostic de cancer). Ils jouent un rôle dans le maintien de la qualité de vie mais peut-être aussi dans l’allongement de la survie globale. Les soins de support comportent, au-delà de la prise en charge de la douleur, un accompagnement psychologique,
nutritionnel, fonctionnel (activité physique), voire spirituel. Ils se diversifient avec la musicothérapie, la médiation… De mon point de vue, tout médecin devrait être sensibilisé à une telle prise en charge holistique.
Prise en charge palliative n’est pas forcément synonyme d’arrêt de tout traitement anti-cancéreux. Même après progression sous immunothérapie, il pourrait y avoir un intérêt à continuer l’immunothérapie (analyse rétrospective des données de 2 essais cliniques de phase 3 Checkmate 066 et Checkmate 067, avec nivolumab, G. Long et al., JAMA Oncology 2017). De même, après une certaine pause de thérapies ciblées, celles-ci sont souvent à nouveau actives.
La radiothérapie, la cryochirurgie, voire la chimiothérapie locale (par exemple du methotrexate intratumoral dans le carcinome épidermoïde, cité par Lidija Kandolf Sekulovic) peuvent aider en cas d’échec des traitements systémiques.
Effets secondaires propres aux inhibiteurs de Hedgehog
Monika Arenbergerova a parlé des effets secondaires propres aux inhibiteurs de Hedgehog (crampes, alopécie, dysgueusie), qui peuvent nettement altérer la qualité de vie : le plus efficace est de proposer le traitement de façon discontinue. Mais elle recommande aussi :
- pour les crampes de boire beaucoup (2 à 2,5L/j), de supplémenter en magnésium, voire de traiter par Amlodipine 10mg/j, 8 semaines (cela diminue la fréquence mais pas l’intensité des crampes selon M Ally et al., JAMA Dermatology 2015)
- pour l’alopécie, du minoxidil 2-5 %
En cas d’échec, possibilité d’essai d’immunothérapie anti PD-1, puis si besoin de proposer à nouveau la thérapie ciblée.
Traitements symptomatiques
Zeljko Mijuskovic a, pour finir, parlé des traitements symptomatiques. Pour la fatigue, qui se mesure à l’aide du score « fatigue NRS » (numeric rating scale), il recommande des exercices doux (marche 5km/h, vélo d’appartement…) sauf bien sûr en cas de cachexie. Tous les psychostimulants sont déconseillés, hormis peut-être les corticoïdes. Il ne recommande pas tout ce qui est L-carnitine, coenzyme Q10, gingseng, guarana… Une prise en charge psychosociale est par contre conseillée, pour le patient comme ses proches. La méditation pleine conscience, le yoga, l’acuponcture peuvent faire du bien.
Et voilà pour cette dernière journée de l’EADO ! Je remercie Géraldine Fleury, de Bioderma, de
m’avoir fait confiance cette année encore pour ces résumés. Ce fut un congrès très studieux pour moi, je n’ai pas vu grand-chose de Séville, mais j’espère que ces compte-rendus pourront vous être utiles, ce sera une belle récompense ! A bientôt j’espère !
Orateurs : Dr Susana Puig
Article rédigé par Dr Oriol YELAMOS
Gène MC1R (récepteur de la mélanocortine 1)
Le gène MC1R est l’un des principaux gènes qui ont une influence sur la couleur de la peau. Il existe 9 polymorphismes associés au phénotype roux lorsqu’ils sont à transmission autosomique récessive. Les polymorphismes du gène MC1R sont associés aux taches de rousseur dans l’enfance. Cela laisse présager la présence d’au moins un polymorphisme du gène MC1R.
Caractéristiques dermoscopiques associées aux polymorphismes du gène MC1R :
- Taches de rousseur dans l’enfance
- Pigmentation excentrique
- Nævus bleus
- Vaisseaux apparents à la dermoscopie
Les individus porteurs de polymorphismes du gène MC1R présentent des nævus plus grands (d’autant plus s’ils possèdent les deux allèles du gène MC1R), ce qui suggère que le gène MC1R est associé à la nævogenèse.
Caractéristiques dermoscopiques des mélanomes chez les sujets porteurs du gène MC1R :
- Ils présentent moins de caractéristiques dermoscopiques.
- Le réseau est peu apparent car la teinte est plutôt orange ce qui rend le réseau moins visible.
- Vaisseaux en pointillés
- Pigmentation périfolliculaire --> dans les mélanomes lentigineux
Si l’on procède à une approche dermoscopique comparative chez les sujets porteurs du gène MC1R, les mélanomes ne se démarquent pas car ils ressemblent beaucoup aux nævus --> chez ces patients, la règle du « vilain petit canard » ne se vérifie pas vraiment et il convient de mettre en place un suivi séquentiel et d’exciser les lésions évolutives.
Gène MITF
Les mutations du gène MITF augmentent le risque de mélanome et de cancer du rein.
Cette mutation est présente chez trois personnes sur mille, ce qui multiplie par dix le risque de mélanome et de carcinome rénal.
Les individus porteurs présentent de nombreux grains de beauté (> 300), principalement des nævus réticulés, et ils peuvent développer des mélanomes à croissance rapide (les porteurs du gène MITF ont un odds ratio de 4,48 pour les mélanomes nodulaires).
Gène BAP1
BAP1 est un gène suppresseur de tumeur qui augmente notamment le risque de mélanome uvéal, de mésothéliome et de carcinome rénal.
Les patients développent également des lésions mélanocytaires appelées tumeurs mélanocytaires inactivées par BAP1 (communément appelées bapomes) qui sont de couleur rose et de forme bombée. D’un point de vue histologique, ils présentent deux types de cellules mélanocytaires (ils ont donc une population mélanocytaire biphasique) : une population de mélanocytes d’aspect normal et une autre composée de mélanocytes spitzoïdes atypiques avec perte d’expression de BAP1.
La découverte d’un seul TIMB ne préfigure par le syndrome du cancer multiple mentionné ci-dessus, mais la présence de multiples TIMB est un signe caractéristique de ce type de cancer.
Il existe de nombreux schémas dermoscopiques associés aux bapomes, dont certains sont plus fréquents chez les patients atteints d’un syndrome cancéreux :
- globules excentriques périphériques avec des zones centrales homogènes ;
- réticulation avec des zones homogènes, en relief, de couleur rose.
Gène POT1
Dans les familles prédisposées aux mélanomes présentant des mutations germinales du gène POT1, les mélanomes présentent une morphologie spitzoïde (40 %) et des lymphocytes infiltrants marqués.
Conclusion
1- Notre patrimoine génétique a une incidence sur la dermoscopie. 2- Les variants du gène MC1R des cheveux roux sont associés à :
- la présence de nævus bleus, un nombre plus élevé de nævus de grande taille, des nævus plus grands ;
- la présence de globules, de pigmentation excentrique et de vaisseaux dans les nævus ;
- des mélanomes plus difficiles à diagnostiquer (moins de critères et moins de couleurs dermoscopiques) ;
- les mélanomes précoces chez les individus roux peuvent présenter uniquement un réseau pigmentaire orange atypique ;
- les mélanomes chez les patients roux et albinos peuvent présenter des vaisseaux en pointillés, qui constituent le principal élément de diagnostic.
3- Les polymorphismes de nucléotides simples (PNS) dans plusieurs gènes (MTAP, PLAZG6, PAX3, IRF4) sont associés aux caractéristiques dermoscopiques des mélanomes de novo et des mélanomes au pronostic plus défavorable.
4- Les mutations du gène MITF sont associées au risque de développement d’un mélanome à croissance rapide.
5- Plusieurs caractéristiques dermoscopiques sont associées aux tumeurs liées à BAP1 et permettent d’identifier les patients à risque de cancer.
6- Morphologie spitzoïde et gène POT1.
Orateurs : Dr Caroline Robert, Dr Onorfe Samartin, Dr Carbonelle, Dr Hassel
Article rédigé par Dr Oriol YELAMOS
Les toxicités des thérapies ciblées
Dr Caroline Robert
Il existe certains aspects à examiner en ce qui concerne la perception par les patients des effets indésirables (EI) des traitements ciblés (TT) :
- type d’effets indésirables et organes concernés ;
- incidence et sévérité ;
- nécessité d’arrêter le traitement ;
- réversibilité des effets indésirables ;
- possibilité de passer d’une forme de traitement à une autre en cas de survenue de certains EI ?
Dans le cadre de l’immunothérapie, les EI ne sont généralement pas permanents. Cependant, les EI observés avec les TT peuvent parfois être graves et irréversibles. Heureusement, cela reste rare, bien que les EI liés aux TT soient très fréquents.
Il est important de noter que certains EI sont liés à la classe thérapeutique (par exemple, la toxicité oculaire avec les anti-MEK) et que d’autres surviennent plus fréquemment avec certains médicaments (par exemple, la pyrexie est plus fréquente avec le trametinib, et la photosensibilité et les EI gastro-intestinaux sont plus fréquents avec encorafenib + binimetinib).
Toxicité oculaire avec les anti-MEK
- Le décollement séreux rétinien (DSR) est l’EI le plus fréquent. Il est généralement réversible en quelques jours ou quelques heures, parfois même sans interruption du traitement. Le plus souvent bilatéral, il se traduit par une vision floue et peut apparaître très vite après le début du traitement, parfois quelques heures après le début de l’administration des inhibiteurs de MEK.
- L’occlusion veineuse rétinienne est une situation d’urgence qui débute généralement par une perte de vision unilatérale sans douleur. Elle peut être sévère et l’arrêt du traitement est alors nécessaire.
- L’élévation de la pression intraoculaire ne nécessite normalement pas l’arrêt des TT, mais elle doit être traitée.
EI cardiovasculaires avec les TT
- L’hypertension artérielle survient dans 14 à 29 % des cas et peut généralement être prise en charge médicalement.
- Une diminution de la fraction d’éjection ventriculaire gauche survient dans 6 à 11,5 % des cas. Elle nécessite l’arrêt des TT si la fraction d’éjection est < 40 %.
- Un allongement de l’intervalle QT sur l’ECG, dû aux inhibiteurs de BRAF, nécessite l’arrêt du TT si l’intervalle QT est > 480 ms.
- Œdème des membres inférieurs
Les EI cardiovasculaires étant fréquents, il est recommandé de réaliser un ECG et un échocardiogramme après 1 mois puis tous les 3 mois.
EI neurologiques (NRL)
Certains EI neurologiques liés aux TT peuvent être permanents !
EI musculo-squelettiques
La fatigue liée aux TT est très fréquente et très difficile à traiter.
Conclusion
13 à 18 % des EI nécessitent l’arrêt du traitement et 33 à 53 % une adaptation du traitement. Toutefois, les EI liés aux TT sont rarement permanents, contrairement aux toxicités de l’immunothérapie, et ils peuvent être pris en charge dans la majorité des cas.
Toxicités cutanées des TT
Dr Onofre Sanmartin
Éruption papulopustuleuse
Il s’agit de l’effet secondaire le plus connu des TT, en particulier des inhibiteurs de l’EGFR, mais aussi des inhibiteurs de mTOR et de certains inhibiteurs de MEK (cobimetinib, trametinib).
Il se présente sous la forme d’une éruption papuleuse et pustuleuse monomorphe pouvant aller jusqu’à l’éruption eczémateuse. Celle-ci est habituellement plus fréquente au niveau du visage, puis du tronc.
Elle commence au 8ème jour après le traitement et s’aggrave 2 à 4 semaines plus tard. Elle est en corrélation avec la réponse au traitement.
Elle est plus intense au cours du premier mois, chez les personnes à la peau claire et chez les patients de plus de 70 ans.
Dans les cas les plus graves, on observe une surinfection par S.aureus due à l’effet direct du traitement anti-EGFR qui favorise la colonisation par S.aureus.
Le traitement comprend des antibiotiques tels que les tétracyclines : doxycycline ou minocycline 100/12 h x 8 semaines.
Paronychie et modifications des ongles
Ces EI sont très fréquents avec les TT anti-EGFR.
Le traitement passe par l’administration de stéroïdes topiques puissants (par ex. le clobetasol), d’antibiotiques topiques ou, si le cas est plus grave, d’antibiotiques oraux et de soins podiatriques. Certains anti-EGFR provoquent des modifications plus importantes des ongles.
Calcyphilaxie
Les inhibiteurs d’EGFR provoquent une hyperphosphatémie chez 70 % des patients, ce qui peut entraîner une augmentation des taux de calcium et un risque de calcyphilaxie (bien qu’il s’agisse d’un EI rare).
Éruption cutanée induite par les inhibiteurs multikinases
Cet exanthème fréquent et dose-dépendant survient au cours des premières semaines de traitement. Il n’est PAS corrélé avec la réponse au traitement, contrairement à l’éruption papulopustuleuse.
Les types les plus fréquents sont la dermatite, puis les éruptions maculopapuleuses, et enfin les éruptions lichénoïdes.
Cette éruption peut être très prurigineuse et parfois douloureuse.
Elle répond bien au traitement et ne nécessite généralement pas l’arrêt de la thérapie.
Syndrome main-pied induit par les inhibiteurs multikinases Fréquent et dose-dépendant.
Il résulte du blocage du FCDP.
Il se manifeste par une hyperkératose extrêmement douloureuse au niveau des points de pression.
Modifications pigmentaires
Elles peuvent se produire du fait de différents mécanismes :
- dépôt direct du médicament :
o décoloration jaunâtre : sunitinib ;
o pigmentation tachetée : vandétanib ;
- altération de la mélanogenèse :
o blocage de C-kit : imatinib, sunitinib, pazopanib ;
- apoptose des mélanocytes :
o inhibiteurs de CDK 4/6 à ils induisent une hypopigmentation vitiligoïde.
Toxicités gastro-intestinales
Dr Carbonnel
Elles sont plus fréquentes avec encorafenib + binimetinib et peuvent se manifester sous forme de colite.
Une coloscopie avec biopsie doit être réalisée sans attendre pour confirmer le diagnostic et, si celui-ci est confirmé, les médicaments doivent être définitivement arrêtés.
EI rares et sévères des TT
Dr Hassel
Les EI liés aux TT sont fréquents et sans gravité. Cependant, certains des effets indésirables graves sont rares mais doivent être connus. Ils incluent notamment les EI neurologiques, l’insuffisance rénale, l’arrêt cardiaque, l’uvéite ou le syndrome inflammatoire systémique.
Les EI neurologiques graves comprennent l’encéphalite et la polyneuropathie.
L’encéphalite peut se déclarer relativement rapidement mais, fort heureusement, il y a récupération complète après l’arrêt des TT.
La polyneuropathie peut être réversible si elle est identifiée rapidement et si le traitement est arrêté. EI oculaire rare, l’uvéite est peu fréquente (5 %) mais invalidante, avec une tendance à récidiver.
EI cardiaques rares : l’arrêt cardiaque et la rhabdomyolyse.
Le syndrome de réponse inflammatoire systémique (SRIS) est généralement induit par les inhibiteurs de BRAF après les inhibiteurs de points de contrôle. Il apparaît quelques jours après le début du traitement (8 à 21 jours) et se manifeste par des malaises, de la fièvre, des frissons, des nausées, des vomissements, des diarrhées, une hypotension, une tachycardie, une somnolence. L’analyse de sang montre une insuffisance rénale et une élévation des enzymes hépatiques. Il est traité avec des stéroïdes à haute dose et on peut envisager un anti-IL6 comme le tocilizumab.
Orateurs : Dr Nagore, Dr Jean-Jacques Grob, Dr Dawson, Dr Schadendorf
Article rédigé par Dr Oriol YELAMOS
Facteurs pronostiques cliniques du mélanome
Dr Nagore
Il existe plusieurs facteurs cliniques en corrélation avec le pronostic du mélanome, notamment l’âge, le sexe, la localisation de la tumeur et le nombre de nævus.
L’âge est lié à une biopsie positive du ganglion lymphatique sentinelle et à des tumeurs plus denses, ainsi qu’à des taux de mitose plus élevés. Plus l’âge augmente, plus le taux de survie diminue.
Nombre de nævus : les patients présentant un plus grand nombre de nævus ont un meilleur taux de survie, ce qui pourrait être lié à la longueur des télomères. Il semble que les patients présentant un plus grand nombre de nævus aient des télomères plus longs, ce qui est en corrélation avec un meilleur taux de survie.
Sexe : il semble que les femmes présentent de meilleurs facteurs pronostiques (épaisseur de Breslow, mitoses, etc.). Cependant, les résultats sont contradictoires quant à savoir si cela entraîne un moins bon taux de survie. Il semble que cela soit également lié à l’âge. Ainsi, la réponse immunitaire et le pronostic sont meilleurs chez les femmes jeunes, mais aucune différence n’a été observée entre les hommes et les femmes plus âgés. Cela peut être dû à des différences hormonales, au métabolisme de la vitamine D, à des facteurs environnementaux et au stress, entre autres.
Localisation : les mélanomes acraux et ceux de la tête et du cou ont un plus mauvais pronostic, probablement en raison du drainage lymphatique.
Imagerie et intelligence artificielle
Dr Jean-Jacques Grob
L’intelligence artificielle (IA) pourrait permettre d’intégrer les informations que nous utilisons pour stratifier nos patients : analyses d’imagerie (CT, PET, IRM) LDH, GEP, données cliniques, etc.
L’avantage potentiel de l’utilisation des résultats d’imagerie comme biomarqueurs est qu’elle permet de mesurer la cinétique des cancers métastatiques. La cinétique est importante dans la prise de décision (par ex. les comités d’évaluation des tumeurs), mais les médecins ne la mesurent pas, alors que nous l’utilisons (« Ouah, la tumeur se développe rapidement, nous devons donner à ce patient un médicament différent. »).
Le problème est que pour obtenir des informations cinétiques, il faut des images successives (par ex. CT, PET), et cela prend du temps aux radiologues car ils peuvent avoir besoin de mesurer toutes les métastases mais ne le font pas. Ce problème peut être résolu grâce à l’IA, car les machines peuvent mesurer et comparer de multiples paramètres présents dans les analyses d’imagerie, et pas
uniquement la taille de la tumeur mais également l’activité métabolique, la texture de la tumeur, etc. Nous pourrions alors étudier la cinétique afin de prédire la réponse au traitement (radiomique). En fait, ceci pourrait être plus efficace que les critères RECIST que l’être humain génère et utilise, car il serait possible d’étudier toutes les métastases en même temps. En outre, le fait de pouvoir examiner l’ensemble de la tumeur visible présente l’avantage d’étudier des métastases de biologie différente. Cela présente des avantages par rapport à la réalisation d’études biologiques (histologie, biologie moléculaire) sur un seul spécimen de biopsie (si l’on prend un échantillon d’une métastase, est-il représentatif de toutes les métastases ? Sans doute pas).
Biopsie liquide
Dr Dawson
Nous avons tous de l’ADN circulant issu de cellules saines, mais lorsque des tumeurs apparaissent, nous avons également des niveaux d’ADN tumoral circulant (ADNtc). Les niveaux d’ADNtc restent toutefois faibles par rapport à l’ADN des cellules saines.
Quantifier les niveaux d’ADNtc peut également permettre de déterminer la réponse au traitement.
On peut aussi l’utiliser pour visualiser les différents clones tumoraux en identifiant les différents ADNtc
-> l’analyse de l’ADNtc peut révéler l’hétérogénéité génomique du cancer.
L’ADNtc peut permettre d’identifier une évolution précoce avant qu’elle ne puisse être détectée à l’imagerie.
L’ADNtc peut également contribuer à identifier la maladie résiduelle minime.
Marqueurs tissulaires
Dr Schadendorf
Des niveaux élevés de PD-L1 montrent de meilleures réponses à l’immunothérapie par rapport aux patients présentant des niveaux de PD-L1 plus faibles. Cependant, on continue à recourir à l’immunothérapie chez tous les patients car on sait que même si ces niveaux sont faibles, les taux de réponse sont meilleurs qu’avec la chimiothérapie conventionnelle.
L’infiltration des lymphocytes CD8+, l’interféron sont d’autres marqueurs tissulaires ayant montré des résultats similaires. Le problème est le même : les réponses sont meilleures mais, globalement, l’immunothérapie fonctionne mieux pour tous les patients que la chimiothérapie.
La résistance au traitement par immunothérapie est liée à des mutations dans la voie de signalisation JAK STAT, car elles empêchent la détection des antigènes.
L’avenir appartient probablement aux tests de profilage d’expression génétique (GEP) permettant d’évaluer un certain nombre de gènes régulés à la hausse ou à la baisse. Actuellement, trois marques sont disponibles : Castle Biosciences, MelaGenix, et Merlin/Skyline Dx. Cependant, les données utilisant ces gènes proviennent d’études rétrospectives et des études prospectives sont donc nécessaires.
Orateurs : Dr Claus Garbe, Dr Hoeller, Dr Grob, Dr Paul Nathan
Article rédigé par Dr Oriol YELAMOS
Bénéfice à long terme du traitement adjuvant chez les patients de stade III
Dr Claus Garbe
Pembrolizumab
Le pembrolizumab présente un avantage important en termes de survie sans récidive, avec un hazard ratio (HR) de 0,56 (le risque a donc diminué d’environ 40 %). Ce bénéfice est plus marqué en présence de niveaux plus élevés de PD-L1, mais il demeure bénéfique si le PD-L1 n’est pas élevé.
En outre, ce bénéfice du pembrolizumab est plus élevé chez les patients présentant une mutation de BRAF. De même, il se manifeste dans tous les stades III (IIIA, IIIB et IIIC).
Nivolumab et ipilimumab
Dans le cadre de l’étude CHECKMATE 238, le nivolumab a été évalué avec l’ipilimumab, avec un HR de 0,79. On n’a pas constaté de différence entre ipi et nivo en ce qui concerne la survie globale lors de cet essai.
Thérapie ciblée
Dans le cadre de l’essai COMBI-AD, le dabrafenib + trametinib a été comparé au placebo et a montré un HR de 0,51 (ce qui signifie qu’il est efficace pour 50 % des patients), le bénéfice le plus élevé étant obtenu la 1ère année et maintenu pendant 5 ans.
Conclusions
L’expérience de l’ipilimumab montre que le bénéfice en termes de survie dure au moins 10 ans. L’inhibition de PD1 et l’inhibition de BRAF/MEK aboutissent à un bénéfice comparable en termes de survie.
Les patients présentant une mutation de BRAF bénéficient davantage du traitement par PD1 que ceux de type BRAF sauvage.
Traitement adjuvant chez les patients atteints de mélanome de stade II
Dr Hoeller
Pourquoi est-il important d’utiliser un traitement adjuvant dans certains mélanomes de stade II ? Parce que les stades IIB et IIC peuvent avoir un plus mauvais pronostic que le stade IIIA, et sont similaires aux patients du stade IIIB. Pour examiner ce point, nous disposons de quatre essais cliniques :
- Keynote 716 (pembro vs placebo) : c’est le seul qui présente des résultats préliminaires puisque les autres essais sont toujours en cours ;
- NivoMela : nivolumab utilisant une plateforme de profilage d’expression génétique (GEP) ;
- Checkmate 76K (nivolumab vs placebo) ;
- Columbus-AD (encorafenib + binimetinib vs placebo).
Résultats du Keynote 716 : il semble que le produit fonctionne mieux dans les stades T inférieurs (les patients T3b s’en sortent mieux que les T4b), ce qui pourrait être lié à l’expression de PD1 chez ces patients.
Si l’on considère le nombre de patients à traiter, il faut traiter 12 patients pour prévenir une récidive chez les patients de stade IIB et IIC.
Ce traitement est-il risqué ? Les effets secondaires sont les mêmes que ceux observés chez les patients de stade III avec un traitement adjuvant : 20 % devront suivre un traitement hormonal, principalement thyroïdien, qui peut être contrôlé mais restera en place à vie. Si l’on considère le nombre nécessaire pour nuire, les EI graves sont faibles (12) mais les hypophysites sont élevées (40) et très élevées dans le diabète de type I (250). Il convient donc de réfléchir soigneusement à l’utilisation de ces médicaments chez les patients de stade II et de discuter avec eux des effets indésirables.
Il semble donc que les résultats au stade II soient prometteurs, que les EI soient similaires à ceux des autres stades, mais on ne dispose pas de données à long terme, de biomarqueurs pour prédire les répondeurs, ni de données concernant les thérapies ciblées.
Quel avenir pour la biopsie du ganglion sentinelle (BGS) et les nouveaux biomarqueurs dans le choix des indications appropriées en matière de traitement adjuvant ?
Dr Grob
Les biomarqueurs anatomiques (profondeur de la tumeur, statut BGS, etc.) de l’actuelle 8ème classification AJCC ne sont pas des biomarqueurs adéquats car ils reflètent la morphologie et non la
biologie. Par exemple, si l’on examine l’épaisseur de la tumeur, des indices de Breslow faibles peuvent indiquer une tumeur peu agressive mais également le diagnostic précoce d’une tumeur agressive. À l’inverse, une tumeur épaisse peut être synonyme de tumeur très agressive ou de diagnostic tardif d’un mélanome peu agressif. Il en va de même pour la BGS : une BGS négative indique soit une tumeur non agressive qui n’a pas encore pu métastaser, soit un diagnostic précoce d’une tumeur très agressive avant qu’elle ne se propage aux ganglions lymphatiques. À l’inverse, une BGS positive peut indiquer une tumeur très agressive, ou un diagnostic tardif d’une tumeur peu agressive qui s’est finalement étendue aux ganglions lymphatiques. Alors, est-il temps d’arrêter d’utiliser les BGS ? Peut-être que oui, car ces tests ne reflètent pas la biologie des tumeurs.
Cependant, l’arrêt du recours aux BGS aurait des répercussions chez nos patients, surtout pour les tumeurs intermédiaires. Nous savons toutefois que les patients des stades IIB et IIC ont également un mauvais pronostic, similaire à celui du stade IIIB, et c’est pourquoi des essais cliniques portant sur l’immunothérapie ont été menés avec de bons résultats. Il se peut donc que l’abandon de la BGS chez ces patients n’ait pas un impact si important. Il n’est cependant pas possible de cesser de recourir à la BGS car l’immunothérapie n’est pas encore approuvée en Europe pour le stade II et les thérapies ciblées n’ont pas encore donné de résultats au stade II. En outre, le stade IIIA a un pronostic relativement bon, de sorte que la thérapie adjuvante ne présente pas un grand intérêt dans ce cas. Il est donc temps d’arrêter de recourir à la BGS, à condition de développer d’autres outils pronostiques.
Dans cette optique, nous disposons de nouveaux tests de profilage d’expression génétique (GEP) qui pourraient être plus à même de fournir des informations pronostiques fiables. Leurs résultats ne sont toutefois pas faciles à valider car les informations doivent être testées conjointement avec les données de l’AJCC, être validées de manière prospective, dans de multiples échantillons différents de ceux utilisés pour les générer, et selon des critères d’évaluation pertinents.
À quoi pourrait ressembler un nouveau biomarqueur pronostique adéquat ?
- Chez les patients considérés à haut risque T par l’AJCC :
o L’objectif est de repérer les patients qui ne sont pas à haut risque en réalité et qui sont soumis inutilement à un traitement adjuvant potentiellement toxique.
- Chez les patients considérés à faible risque T par l’AJCC :
o L’objectif est de repérer les cas biologiquement agressifs, exclus à tort de la thérapie adjuvante par une BGS négative ou une absence d’indication de BGS.
Cependant, en raison des piètres performances de l’AJCC actuelle, même les biomarqueurs dont les performances sont faibles ou incertaines peuvent être intéressants pour identifier les patients justifiant un traitement adjuvant.
Qu’en est-il des biomarqueurs prédictifs de l’efficacité du traitement adjuvant ? Il n’existe pas de biomarqueurs appropriés, à l’exception de la perte de fonction de JAK3, hautement prédictive de la résistance à PD1 mais très inhabituelle (ce biomarqueur a donc un faible impact).
Il nous faut également des marqueurs prédictifs de toxicité ; compte tenu du risque de mélanome lui- même, seuls les biomarqueurs prédictifs d’une toxicité sévère comme la cardiomyopathie aiguë, ou d’une toxicité permanente sont pertinents. Cependant, il n’existe actuellement aucun candidat pour ces biomarqueurs.
En conclusion, le choix de recourir à un traitement adjuvant doit se faire en fonction du bénéfice individuel (risque individuel d’évolution, capacité de réponse à un traitement adjuvant donné, absence de risque individuel élevé de toxicité sévère ou permanente). La BGS ne fournit pas ces données et devrait être abandonnée à terme. Les biomarqueurs disponibles ne sont pas vraiment utiles pour déterminer la réponse au traitement ou sa toxicité, et les nouveaux biomarqueurs et outils pronostiques nécessitent une validation prospective plus poussée.
Quel est le meilleur moment pour traiter un mélanome : traitement néoajuvant, adjuvant ou uniquement en cas d’évolution ?
Dr Paul Nathan
La thérapie adjuvante est la norme de soins dans de nombreux cancers, alors pourquoi en serait-il autrement pour le mélanome ? En quoi le mélanome diffère-t-il ? Les données dont nous disposons montrent que les médicaments sont curatifs dans le cadre métastatique, de sorte que l’on pourrait également envisager d’y avoir recours en cas d’évolution de la maladie. Quelle est la proportion de patients qui sont guéris par un traitement adjuvant et combien sont guéris au stade métastatique ? 1/3 des patients seront guéris dans le cadre du traitement adjuvant et 1/3 dans un contexte métastatique. Le problème, c’est que tous les patients qui rechutent ne seront pas en mesure de recevoir un traitement à visée curative en raison de la structure de la maladie (organes multiples, fardeau de la maladie, LDH, métastases cérébrales, etc.), des comorbidités excluant l’immunothérapie et de celles excluant l’immunothérapie combinée. Ainsi, les patients recevant un traitement systémique à un stade avancé sont choisis dans une proportion significative.
De plus, la biologie des tumeurs s’aggrave toujours avec le temps, elle ne s’améliore jamais (hétérogénéité accrue, résistance accrue, immunité réduite), de sorte que la réponse peut être moins bonne si elle est traitée plus tard. Néanmoins, le traitement adjuvant serait nettement plus efficace s’il était accompagné d’une meilleure identification des patients à haut risque : biomarqueurs, GEP, etc. Qu’en est-il du traitement néoadjuvant ? Historiquement utilisé pour faciliter la chirurgie, il est désormais proposé pour améliorer les résultats de manière générale. Tout a débuté avec l’essai Opacin (Blank et al.), un petit essai mené sur 20 patients, qui a montré que les résultats étaient meilleurs avec un traitement néoadjuvant qu’avec un traitement adjuvant. Même si ces résultats sont prometteurs, il nous faut cependant davantage de données provenant d’études de plus grande envergure.
En résumé, le traitement adjuvant demeure la norme en matière de soins, mais la sélection des patients reste à améliorer et la durée du traitement à adapter. En ce qui concerne le traitement néoadjuvant, il ne constitue pas encore la norme en matière de soins, il faut attendre des résultats de phase III qui modifient la pratique, et les patients présentant une maladie résécable macroscopique devraient être retenus pour des essais cliniques néoadjuvants.
Orateurs : Dr Farricha, Dr Van Akkoi, Dr Ulrike Leiter-Stöppke, Dr Alexander Eggermont
Article rédigé par Dr Oriol YELAMOS
Mélanome malin de stade III : priorité à la chirurgie ?
Oui, selon le Dr Farricha
La chirurgie peut être utile pour certains sous-groupes de patients tels que ceux présentant des macrométastases. Cependant, avec les traitements néoadjuvants, la chirurgie pourrait évoluer et être davantage liée à l’amélioration de la qualité des résultats pour le patient.
Non, selon le Dr Van Akkoi
L’avantage de la thérapie systémique néoadjuvante (TSN) c’est que lorsque l’on administre le traitement avant la chirurgie, on peut savoir s’il y a eu une réponse ou non au moment de pratiquer la chirurgie. Elle a également une valeur pronostique : si l’on observe une réponse pathologique (complète ou partielle), les taux de survie sont meilleurs que chez les patients sans réponse pathologique. Les résultats sont donc meilleurs avec le traitement néoadjuvant qu’avec le traitement adjuvant.
Les examens de suivi. Sont-ils importants ?
Dr Ulrike Leiter-Stöppke
Les objectifs du suivi du mélanome sont les suivants :
1. Détection précoce des récidives.
a. Puisque l’on dispose aujourd’hui de médicaments efficaces contre le mélanome, faut-il continuer à suivre les patients de très près comme on le fait actuellement, ou peut-on « se détendre » ?
L’imagerie améliore-t-elle la survie à l’ère de l’efficacité des traitements ? Probablement pas, mais les patients n’aimeront pas l’idée d’être moins suivis s’ils ont un mélanome.
2. Pendant combien de temps faut-il suivre les patients ?
a. Il est généralement recommandé de suivre les patients à haut risque pendant 10 ans, car seulement 5 % des récidives surviennent après 10 ans.
b. Cependant, en raison de l’augmentation des mélanomes secondaires, un examen dermatologique doit être effectué tout au long de la vie.
3. À quels examens doit-on procéder ? À quelle fréquence doit-on effectuer les examens de suivi ?
a. Il est généralement recommandé de réaliser un scanner, une IRM cérébrale, une échographie ganglionnaire et des analyses de sang tous les 3 à 6 mois, en fonction du stade de la tumeur. Cependant, tous les centres ne sont pas en mesure d’effectuer ces tests. Il faudrait peut-être se concentrer sur les symptômes cliniques et, en cas d’évolution, administrer les traitements hautement efficaces dont on dispose à l’heure actuelle.
4. Faut-il encourager l’autosurveillance ?
a. Oui, certains essais menés dans le cadre de l’étude MEL-SELF en Australie montrent justement que le fait de responsabiliser le patient et de créer un moyen de communication rapide entre le dermatologue et lui (par ex. une application) est une excellente façon de favoriser la détection précoce de l’évolution des tumeurs.
Trithérapie systémique : une nouvelle approche ?
Dr Alexander Eggermont
Les résultats des essais de trithérapie (inhibiteur de BRAF/MEK + immunothérapie) sont contradictoires :
- IMSPIRE (vemurafenib + cobimetinib + atezolizumab) : essai positif ;
- COMBI-I (dabrafenib + trametinib + spartalizumab) : essai négatif.
Ainsi, bien que le rationnel de la trithérapie semble bon, les données ne sont pas encore convaincantes et des études supplémentaires seront sans doute nécessaires. L’avenir est probablement à la trithérapie, non pas avec BRAF/MEK + antiPD1, mais avec ipi + nivo + anti-LAG3, peut-être même dans un contexte néoadjuvant.
Orateurs : Dr Christian Blank
Article rédigé par Dr Oriol YELAMOS
L’un des avantages du traitement néoadjuvant c’est qu’après l’ablation de la tumeur, en cas de réponse complète ou partielle (réponse pathologique), celle-ci est corrélée à un meilleur pronostic. Il est donc important d’étudier les biomarqueurs potentiels chez les répondeurs et les non-répondeurs. Pourquoi le traitement néoadjuvant est-il efficace ? Parce que, dans le cas de l’immunothérapie néoadjuvante, la réponse au traitement est plus forte car la population de lymphocytes T entourant la tumeur est plus active et peut être réduite si la tumeur est retirée avant de débuter l’immunothérapie. Cela permet de personnaliser le traitement à l’aide de biomarqueurs. Ces derniers peuvent permettent de prédire la réponse au traitement ou sa toxicité.
Les biomarqueurs de réponse au traitement qui prédisent de meilleures réponses pathologiques avec l’immunothérapie néoadjuvante sont un IFN élevé et une charge tumorale importante. Par conséquent, les patients ayant un IFN bas peuvent nécessiter un traitement plus lourd puisque l’on sait qu’ils obtiendront des taux de réponse d’environ 30 % contre 90 % chez les patients ayant un IFN élevé.
C’est pourquoi de multiples traitements combinés sont à l’étude chez les patients dont l’IFN de départ est faible avant le traitement néoadjuvant. Par exemple, le fait d’ajouter aux traitements anti-PD1 des
inhibiteurs d’HDAC, de l’ipilimumab, des traitements IL2 ou anti-LAG3. Les résultats de ces combinaisons sont en attente, mais semblent prometteurs.
Orateurs : Dr Josep Malvehy, Dr Onodre Sanmartin, Dr Cristina Magnoni, Dr Roland Kaufmann, Dr Ricardo Viera, Antonio Tejera-Vaquerizo
Article rédigé par Dr Oriol YELAMOS
Intérêt des techniques d’imagerie pour définir et contrôler les marges d’excision dans la chirurgie du CPNM
Dr Josep Malvehy
Il existe aujourd’hui de nombreux appareils d’imagerie in vivo qui améliorent la maîtrise de la délimitation des marges tumorales : microscopie confocale par réflectance (MCR), tomographie par cohérence optique confocale à champ linéaire (LC-OCT), combinaison de MCR et d’OCT. Il ne faut pas non plus négliger l’utilité de la dermoscopie. Par exemple, la présence de multiples globules jaunes agrégés indique une invasion dans un carcinome basocellulaire. Et de multiples nouvelles technologies sont en train de voir le jour (Raman, microscopie multiphotonique, etc.).
De même, la microscopie confocale ex vivo progresse. En effet, les nouvelles machines sont beaucoup plus rapides et les algorithmes informatiques permettent de créer une image artificielle de l’hématoxyline-éosine, ce qui facilite l’utilisation de ces machines par les cliniciens et les pathologistes. Autant de nouvelles technologies passionnantes pour la délimitation des tumeurs.
Chirurgie micrographique de Mohs dans les CCS à haut risque
Dr Onofre Sanmartin
La marge chirurgicale standard recommandée dans les CCS est de 1 cm pour les marges latérales. Ce chiffre est tiré des études de Zittelli. Cependant, ces études ne disent pas jusqu’à quelle profondeur il faut aller pour exciser le CCS, notamment dans les cas de CCS à haut risque.
Il n’existe aucun essai randomisé permettant de comparer la chirurgie standard et la chirurgie de Mohs dans les CCS. Mais de nombreux cas montrent que les résultats sont meilleurs avec Mohs, avec des taux de récidive d’environ 3 %, sachant que les cas traités avec Mohs ont tendance à présenter plus de facteurs de risque. Cela s’explique par le fait que la chirurgie de Mohs permet d’examiner la totalité des marges. En outre, la technique de Mohs est moins coûteuse.
Comment la technique de Mohs est-elle utilisée dans les CCS ? Soit en utilisant des sections congelées (Mohs conventionnel), soit des sections permanentes (slow Mohs). Dans quels cas doit-on utiliser des sections congelées ou des sections permanentes ? Le slow Mohs est plus adapté à l’identification de l’invasion périneurale (on peut également réaliser des colorations immunohistochimiques). De même, lors de l’ablation de grosses tumeurs, il est préférable d’utiliser des sections permanentes car les sections congelées demandent beaucoup de travail et ont tendance à contenir beaucoup de graisse, très difficile à travailler sur section congelée.
De plus, la microscopie confocale ex vivo joue désormais un rôle potentiellement intéressant car elle permet de réaliser des sections permanentes supplémentaires, l’échantillon étant évalué à l’état frais.
Chirurgie du CPNM du visage - Mes techniques favorites
Dr Cristina Magnoni
La manière de reconstruire un défaut chirurgical dépend de multiples facteurs : la taille du défaut, sa localisation, mais également, en termes de chirurgie, l’expérience du chirurgien et ses préférences. Le Dr Magnoni a une préférence pour le lambeau fronto-nasal dans le défaut de la pointe du nez, et le lambeau d’avancement tarso-conjonctival dans les défauts de la paupière inférieure.
Enjeux chirurgicaux dans les CPNM du cuir chevelu
Dr Roland Kaufmann
La chirurgie du cuir chevelu pose plusieurs problème.
Problème n° 1 : où se situe la tumeur ? Il y a parfois de nombreuses croûtes.et la tumeur se trouve en dessous. Il est donc important de bien nettoyer la zone.
Problème n° 2 : batailler avec les cheveux Ils compliquent toujours la chirurgie.
Problème n° 3 : l’enjeu réside dans les comorbidités du patient, et pas uniquement dans la tumeur elle-même.
Problème n° 4 : les problématiques liées à la tumeur (tumeurs négligées, lésions multiples, lésions géantes).
Problème n° 5 : certaines tumeurs sont plus difficiles à traiter, comme le sarcome dermique pléomorphe qui a tendance à récidiver souvent.
Problème n° 6 : tumeurs difficiles à retirer à dans de tels cas, il faut parfois passer sous la galéa, sans quoi la peau ne bougera pas et on ne pourra pas combler le défaut. Il suffit parfois de faire un prélèvement sur la face interne du bras qui possède une grande quantité de peau.
Problème n° 7 : exposition du cuir chevelu et de l’os qui nécessite parfois l’utilisation de substituts dermique tels que l’Intégra.
Techniques spéciales de reconstruction des défauts liés au CPNM au niveau des oreilles
Dr Ricardo Viera
L’oreille comporte différentes zones qui nécessitent des techniques chirurgicales distinctes.
Dans la partie centrale de l’oreille, la cicatrisation d’intention secondaire fonctionne très bien, même si elle peut se révéler gênante pour le patient en raison des soins qu’elle requiert. Une alternative consiste à réaliser un lambeau en porte tournante.
Qu’en est-t-il des défauts du bord hélicoïdal ? La résection cunéiforme est la plus courante dans les reconstructions d’épaisseur totale, bien qu’elle puisse produire une entaille du bord si le défaut est important. Les alternatives sont les lambeaux d’avancement tels que les doubles lambeaux d’avancement. Pour les défauts plus importants, on peut utiliser le lambeau d’Antia-Buch.
Et pour les défauts post-auriculaires, on utilisera des lambeaux d’avancement, des lambeaux bilobés, etc. Ce n’est pas un gros problème puisqu’ils se situeront derrière l’oreille.
La BGS joue-t-elle un rôle dans le CCS ?
Antonio Tejera-Vaquerizo
Les recommandations actuelles ne s’accordent pas sur la nécessité de réaliser une BGS ou non. Cependant, la dissémination lymphatique est plus fréquente dans le cas du CCS que dans celui du mélanome. Mais aucune étude n’a été réalisée et on ignore pourquoi : peut-être les patients atteints de CCS agressifs sont-ils plus âgés ?
On sait désormais que dans les tumeurs de diamètre < 2 cm, la BGS est presque toujours négative. En comparant le taux de survie des patients, on n’a pas constaté de différence entre les groupes où la BGS a été effectuée ou non.
Cependant, bien qu’il n’existe aucune recommandation dans ce sens, il semble qu’il soit judicieux de réaliser une BGS chez les patients immunodéprimés.
Orateurs : Dr Aimilios Lallas, Dr Harald Kittler, Dr Zoe Apalla, Dr Giuseppe Argenziano
Article rédigé par Dr Oriol YELAMOS
Les lésions faciales complexes
Dr Aimilios Lallas
Certaines lésions du visage peuvent être très similaires sur le plan clinique, mais la dermoscopie s’avère très utile :
- kératose actinique pigmentée (KAP) : érythème (motif en fraise), follicules blancs et larges, rosettes, squames.
- lentigo solaire : démarcation nette, réseau pigmenté (le réseau sur le visage est un indice de lentigo solaire, PAS des lésions mélanocytaires).
- kératose séborrhéique : orifices de type comédons, kystes de type grains de milium.
Ces caractéristiques ont été intégrées dans un nouvel algorithme appelé « approche inversée » (publié dans le JAAD par Lallas et al.). Avec cet algorithme, au lieu de rechercher les caractéristiques du mélanome, on procède à l’inverse en commençant par rechercher les caractéristiques de la KAP, du lentigo ou de la kératose séborrhéique et, si aucune de ces caractéristiques n’est présente, on peut alors envisager une lésion maligne (mélanome, CCS, etc.).
Les vaisseaux et les zones blanches sans structure sont révélateurs d’un CCS.
Les lésions non pigmentées complexes
Dr Harald Kittler
Il est primordial de tenir compte des données cliniques lors de l’évaluation des lésions non pigmentées.
Dans le cas de lésions blanches plates, il peut s’agir d’un carcinome basocellulaire (CBC) ou d’une hyperplasie sébacée, les deux pouvant se présenter sous forme de « mottes » de couleur blanc- jaune. Dans le cas du CBC, les mottes jaunes sont visibles à la fois en lumière polarisée et non polarisée et sont appelées mottes jaunes multiples agrégées. Ces mottes sont le signe d’un CBC invasif car elles correspondent sur le plan histologique à une calcification, un indicateur bien connu de CBC à haut risque. En revanche, dans l’hyperplasie sébacée, les mottes sont agrégées en périphérie, les unes à côté des autres, entourant un bouchon folliculaire central.
Il existe un sous-type de nævus de couleur chair appelé tumeur déficiente en BAP1 (BIMT ou bapome) lié à un syndrome cancéreux qui associe le mélanome uvéal et le mésothéliome, entre autres cancers. Ces bapomes présentent des motifs dermoscopiques multiples qui vont d’un motif homogène rose à un motif globulaire avec des globules irréguliers en périphérie. Ce syndrome cancéreux peut être suspecté en présence de plusieurs bapomes, mais une seule lésion ne sera PAS associée à ce syndrome cancéreux.
Les lésions nodulaires complexes
Dr Zoe Apalla
Les lésions nodulaires peuvent être très difficiles à traiter et, en cas de suspicion de malignité, une excision peut être justifiée, même si la lésion s’avère finalement bénigne.
Le CBC des extrémités inférieures peut être complexe et ressembler à de nombreuses autres lésions. La règle du bleu-noir est utile pour les lésions fortement pigmentées : lorsque l’on rencontre une lésion nodulaire dont la couleur bleu-noir est > 10 %, il s’agit probablement d’un mélanome nodulaire, exception faite de certains angiomes ou de la kératose séborrhéique.
Lors de l’évaluation de lésions ressemblant à des granulomes pyogéniques, il faut rester prudent car elles peuvent aussi être des mélanomes amélanosiques ou des sarcomes de Kaposi. En ce qui concerne le sarcome de Kaposi, il a généralement été décrit avec un motif arc-en-ciel, en particulier dans les lésions nodulaires. Dans le sarcome de Kaposi plat, il est plus fréquent d’avoir des rosettes. En outre, le motif arc-en-ciel peut être observé dans de nombreuses autres pathologies telles que le CBC, le mélanome, le carcinome à cellules de Merkel, la dermatite de stase, etc.
Les cellules de Merkel ont un motif dermoscopique classique qui comporte des zones rouges laiteuses et des vaisseaux irréguliers linéaires mal délimités, bien que ce ne soit pas le motif le plus courant. Un motif similaire avec une couleur plus orangée peut également être observé dans les maladies granulomateuses (par ex. la sarcoïdose) et dans les lymphomes et pseudolymphomes cutanés. Cette couleur orange est en corrélation avec des infiltrats cellulaires denses plutôt qu’avec des granulomes.
Les lésions pédiatriques complexes
Dr Giuseppe Argenziano
Avant la puberté, les mélanomes sont extrêmement rares, mais ils existent. En quoi est-ce un problème au quotidien ? Les parents sont extrêmement préoccupés par les grains de beauté de leurs enfants. En réalité, si l’on considère le nombre de grains de beauté qu’il faudrait exciser pour trouver un mélanome, il est de 30 maximum chez l’adulte alors que, chez l’enfant, il est quasiment de 600 ! Il faudrait donc exciser près de 600 lésions bénignes pour trouver un mélanome chez l’enfant.
Orateurs : Dr Josep Malvehy, Dr Claus Garbe, Dr Paul Lorigan
Article rédigé par Dr Oriol YELAMOS
Diagnostic du mélanome : priorités et principaux aspects de la mise à jour
Dr Josep Malvehy
Le Dr Malvehy a évoqué les dernières recommandations de l’EADO concernant le diagnostic du mélanome (Garbe et al. Eur J Cancer. fév 2020 ;126(141):e13047).
L’un des principaux points abordés concerne la nécessité de confirmer le diagnostic de mélanome sur le plan histologique. Cela peut sembler anodin mais ne l’est pas puisque, dans certains contextes, cette démarche n’est pas effectuée.
En ce qui concerne l’intelligence artificielle (IA), il est important de souligner que les applications faisant appel à l’IA doivent faire l’objet d’une validation prospective.
En ce qui concerne la classification, bien qu’elle ne soit pas parfaite, il nous faut suivre la 8ème édition de la classification TNM de l’AJCC.
En ce qui concerne le profilage d’expression génétique (GEP) et la biopsie liquide, ils sont très prometteurs mais, à l’heure actuelle, les informations proviennent d’études rétrospectives et on ne dispose donc pas de données fiables.
Enfin, en ce qui concerne le suivi, il est généralement recommandé d’effectuer un suivi intensif sur 10 ans pour les mélanomes les plus agressifs.
Traitement du mélanome : priorités et principaux aspects de la mise à jour
Dr Claus Garbe
Le Dr Garbe a passé en revue les recommandations de l’EADO concernant le traitement du mélanome (Garbe et al Eur J Cancer. fév 2020 ;126(159):e13047).
Selon les nouvelles recommandations, la marge chirurgicale doit être ajoutée à la marge d’excision initiale. Par exemple, si la lésion initiale a été excisée avec une marge de 3 mm, la marge d’excision locale large doit être ajoutée à ces 3 mm. De ce fait, la procédure devient moins agressive.
En ce qui concerne la BGS, il est désormais admis qu’elle doit être proposée, et non réalisée, chez les patients dont l’indice de Breslow est > 0,8 mm.
En ce qui concerne le traitement adjuvant, les recommandations indiquent qu’il est fortement recommandé pour les patients IIIA à IIID de commencer par un traitement anti-PD1, quel que soit le statut BRAF. Pour les mélanomes de stade IV entièrement réséqués, les patients peuvent être traités par nivolumab. Cependant, au stade IIIA, l’utilisation d’un traitement adjuvant doit être examinée avec soin car le bénéfice dans le stade IIIA est incertain. En effet, les patients au stade IIIA n’ont été inclus dans aucun des essais. De plus, les patients IIIA ont un meilleur pronostic que les patients IIB et IIC. Chez les patients de stade IV, l’anti-PD1 devrait être proposé avec ou sans anti-CTLA4. Dans des cas particuliers (fardeau tumoral élevé, LDH élevée, métastases cérébrales symptomatiques, mauvais résultats, etc.) et en cas de mutation BRAF V600 positive, les médicaments anti-BRAF/MEK doivent être proposés en premier. La chimiothérapie ne peut être envisagée chez les patients ayant de bons résultats que s’il existe une résistance à l’immunothérapie ou aux thérapies ciblées.
Pour les métastases cérébrales, il est recommandé de recourir à la chirurgie stéréotaxique + immunothérapie combinée, tandis que la radiothérapie du cerveau entier ne peut plus être recommandée pour les métastases cérébrales car elle ne prolonge pas la survie. En revanche, l’immunothérapie ou les thérapies ciblées peuvent être utilisées dans les métastases cérébrales symptomatiques.
Dans les mélanomes muqueux, une immunothérapie combinée doit être proposée.
Mise à jour des recommandations concernant le mélanome muqueux (anorectal, urogénital et de la tête et du cou)
Dr Paul Lorigan
Les mélanomes muqueux représentent 1,3 % des mélanomes dans les populations occidentales. Les localisations les plus fréquentes sont la tête et le cou (55 %), suivies par la région anorectale (23 %). Ces mélanomes ont tendance à s’aggraver.
Le Dr Lorigan a passé en revue les recommandations de l’UL concernant les mélanomes muqueux (Smith et al. Eur J Cancer).
Les problèmes de ces patients sont multiples : ils nécessitent un large éventail d’équipes spécialisées, ils sont généralement exclus des essais cliniques, etc.
Certaines recommandations diffèrent pour ces mélanomes : des biopsies à l’emporte-pièce ou incisionnelles sont recommandées afin de poser le diagnostic. La biopsie doit être examinée par un pathologiste spécialiste du mélanome, et un scanner ou un PET-CT doit être réalisé avant l’excision radicale.
En ce qui concerne les mélanomes anorectaux et vulvovaginaux, la chirurgie doit être pratiquée avec une marge étroite (1 mm) mais en réalisant une résection complète (R0). La BGS ne doit être réalisée que si l’on prévoit d’administrer un traitement adjuvant et qu’aucune lymphadénectomie n’est nécessaire.
Pour la tête et le cou, c’est la même chose, mais il est pertinent de réaliser une exploration par imagerie avant la chirurgie.
Qu’en est-il du traitement adjuvant dans les mélanomes muqueux ? Dans l’étude Checkmate 238, 39 patients présentaient des mélanomes muqueux, mais l’ipilimumab n’a montré qu’une réponse partielle. Le bénéfice du traitement adjuvant reste cependant inconnu.
Orateurs : Dr Iris Zalaudek
Article rédigé par Dr Oriol YELAMOS
De nos jours, on constate une légère tendance à l’amélioration de la survie dans les mélanomes. Cela s’explique par l’apparition de l’immunothérapie ou de la thérapie ciblée, mais aussi par l’amélioration de l’utilisation de la dermoscopie. En effet, la dermoscopie nous permet de diagnostiquer le mélanome plus tôt que la règle clinique ABCDE.
En outre, la dermoscopie est très utile avant de procéder à une chirurgie du mélanome. Il est obligatoire d’effectuer un examen complet du corps à l’aide de la dermoscopie avant de procéder à une intervention chirurgicale car les patients peuvent avoir d’autres mélanomes, des carcinomes basocellulaires, etc. et la peau utilisée pour la greffe pourrait renfermer certaines de ces lésions.
Certaines caractéristiques dermoscopiques peuvent également avoir des implications en termes de pronostic. Par exemple, des taches noires peuvent correspondre à une altération épidermique pouvant indiquer un stade précoce d’ulcération.
Qu’en est-il du suivi ? Il est désormais établi que le diagnostic du mélanome est amélioré s’il est dépisté par un dermatologue, en particulier dans le cadre d’un suivi par dermoscopie numérique.
Dans certains sous-ensembles de mélanomes tels que le mélanome lentigo maligna, le mélanome du cuir chevelu ou le mélanome acral, la palpation de la cicatrice initiale est tout aussi importante car ces mélanomes ont une forte tendance à la récidive. En présence d’une zone dure ou d’une pigmentation minime, il est conseillé de pratiquer une biopsie.
Qu’en est-il des réactions cutanées à l’immunothérapie ou aux thérapies ciblées ? On sait que le vitiligo est le signe d’une bonne réponse à l’immunothérapie. Il est intéressant de noter que la présence de signes de régression dans les nævus vus sous dermoscopie, ou la présence de halo- nævus, peut précéder l’apparition du vitiligo lié à l’immunothérapie, ce qui permet de prévoir une bonne réponse à l’immunothérapie.
Orateurs : Dr Amaya Virós
Article rédigé par Dr Oriol YELAMOS
Il existe un important biais lié au sexe dans de nombreuses maladies, qu’il s’agisse de maladies infectieuses, de troubles immunitaires ou de cancers, entre autres. Dans la plupart des cancers, à l’exception des cancers du sein et de la prostate qui sont liés au sexe, le nombre de cancers et la mortalité sont plus élevés chez les hommes.
Les cancers masculins présentent plus de mutations, ce qui indique que de nombreux gènes sont régulés à la hausse chez les hommes.
En ce qui concerne le mélanome, la mortalité est plus élevée chez les hommes. Les femmes ont donc un meilleur pronostic, surtout lorsqu’elles sont jeunes. On observe des résultats similaires dans le cas du carcinome à cellules squameuses (CCS), où les hommes s’en sortent moins bien que les femmes, avec un CCS plus métastatique.
L’une des hypothèses repose sur le fait que les hommes s’exposent davantage au soleil et ont une plus grande surface de peau susceptible d’être touchée par le cancer (plus de calvities que chez la femme). L’autre raison avérée est qu’ils consultent un médecin plus tard que les femmes. Cependant, d’autres facteurs peuvent entrer en ligne de compte.
L’équipe du Dr Virós a réalisé des expériences sur des souris dans le but de provoquer des cancers de la peau chez des souris mâles et femelles. Ils ont constaté ce qui a également été observé chez l’homme, à savoir que les mâles développent des CCS plus agressifs que les femelles. Ils ont pensé que cela pouvait être dû à des différences au niveau de la réparation des gènes de l’ADN. Ils ont donc effectué un séquençage de l’exome entier (WES) sur cette population et n’ont constaté aucune différence au niveau de la réparation des gènes de l’ADN. Les différences pourraient-elle provenir de mutations ? Non, aucune différence n’a été constatée là encore. Ils ont ensuite examiné le paysage immunitaire et ont constaté que les femelles avaient une meilleure réponse immunitaire, notamment une meilleure réponse des lymphocytes T. Pour vérifier la validité de cette hypothèse, ils ont abaissé l’immunité des souris avec de la prednisolone et ils ont alors constaté que le pronostic des tumeurs développées était le même chez les mâles et les femelles. L’immunosuppression annulerait donc le
« privilège » féminin face au cancer. Pourquoi cela se produit-il ? Cela pourrait être lié au fait que les femelles ont une forte expression de CDKN2A qui bloque la prolifération des cellules. Par conséquent, si le gène CDKN2A subit une mutation, le cancer se développe plus rapidement.
Qu’en est-il chez l’être humain ? Lors d’expériences de cultures unicellulaires, les chercheurs ont pu reproduire les résultats obtenus chez l’animal.
En résumé, on peut dire qu’il existe un fort biais sexuel dans les cancers de la peau, les femmes régulant à la hausse les voies de lutte contre le cancer et les cellules T CD3 et CD8, et l’immunosuppression affecte les deux sexes mais plus gravement les femmes.