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Rapports rédigés par Dr Marina Thomas (Dermatologue, France).
Par
Dr. Marina Thomas
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Siège : Josep Malvehy (Espagne)
Orateurs : Josep Malvehy (Espagne) et Katrien Vossaert (Belgique)
Je dois vous avouer que j'utilise encore au cabinet la bonne vieille méthode de comparaison photographique manuelle. Je suis complètement has been, elle date des années 70… Ma qualité d'image est très mauvaise mais vraisemblablement je peux détecter des changements de plus de 2 mm.
Pour améliorer le suivi je peux à présent utiliser la dermoscopie digitale (pour obtenir des informations plus sensibles et spécifiques d'une lésion donnée), la photographie corporelle totale (pour détecter les nouvelles lésions chez les patients à haut risque), ou la combinaison des deux dans le but de réduire le nombre d'exérèse de lésions bénignes.
L'apport des nouvelles technologies réside dans une meilleure qualité d'image et une diminution du temps de procédure.
La photographie corporelle totale prend sens dans les cas de syndrome des naevi atypiques : on acquiert en 1 seconde près d'une centaine de photos apportant des informations sur les lésions multiples alors qu'une dermoscopie digitale de chacune n'est pas réalisable.
La sensibilité de la combinaison [photographie corporelle totale + dermoscopie digitale] est très mauvaise lors d'une première acquisition (environ 25 %) mais elle monte à 100 % lors des visites suivantes.
Les appareils existants ne sont pas standardisés. Lorsqu'on les soumet au test de résolution optique microscopique USAF on obtient des résultats divers : il faut donc connaître l'état des différentes structures dermatoscopiques utiles au diagnostic pour savoir si telle ou telle machine pourra les discriminer.
Les systèmes photographiques 2D ou 3D ne permettent pas de voir correctement : les vaisseaux, le réseau de pigment, les lignes, les points, les petits globules, les structures blanches brillantes. Ils permettent cependant de voir les couleurs, les asymétries, les changements de diamètre, de pigmentation, les contrastes de pigmentation et les aspects en pseudo réseau sur la face, afin de cibler les lésions à observer ensuite en dermatoscopie.
Les derniers scanners corporels totaux utilisent des lentilles liquides permettant de modifier le focus en 1 ms et de ce fait d'augmenter encore beaucoup la résolution.
Il existe aussi des systèmes automatisés associant photographie corporelle totale et prise d'images dermatoscopique qui permettent en une dizaine de minutes d'observer en dermoscopie environ 40 lésions avec une résolution identique à celle d'un dermoscope manuel.
Actuellement les outils d'intelligence artificielle permettent la segmentation de lésions ou d'image dermatoscopique, la classification morphologique de lésions individuelles, la détection de modifications, le calcul de scores de risque de mélanome et l'identification de zones d'intérêt ou de similarité de lésion par IA explicable.
L’IA explicable permet en théorie à l'utilisateur de contrôler comment l'algorithme est arrivé à une réponse. Toutefois aucune autorité n'est en mesure de valider actuellement les outils d'intelligence artificielle explicable !
En ce qui concerne la législation sur les appareillages médicaux, l'obtention de la norme CE est nécessaire légalement mais pas suffisante scientifiquement. Les IA en santé avec apprentissage automatique doivent être de classe II, a, b ou III.
Actuellement ces outils n'ont pas encore une bonne validation de leur performance clinique. Ils permettent de façon reproductible de déterminer le phénotype du patient, de compter le nombre de lésions.
Les modèles sont capables de percevoir les modifications dans la croissance symétrique ou asymétrique, l'hyperpigmentation focale ou globale, le changement de couleur ou l'apparition de nouvelles lésions.
Il faut toutefois être conscient des limitations malgré de bonnes sensibilité et spécificité. Les rares études comparant les appareils, les logiciels et les algorithmes entre eux, montrent qu’il existe de nombreux faux positifs comme de faux négatifs, et que pour un même patient les réponses seront différentes selon l'appareil utilisé. Malheureusement les performances détaillées de chaque algorithme ne sont pas disponibles et donc pas comparables
Pour tester les performances des algorithmes l'équipe de Joseph Malvehy a artificiellement modifié des naevi. La sensibilité était bonne, voisine de 96 % pour les appareils 3D, mais il existait beaucoup de faux positifs : positionnelle, localisation particulière, vêtements, pilosité. Il est toutefois intéressant de noter que les mélanomes avaient une quantité significativement plus importante de changement que les lésions bénignes, et que les décisions prises par le dermatologue assisté par l'outil étaient plus pertinentes.
En termes de réception par le public et les utilisateurs : les patients font globalement confiance à ces nouvelles technologies à condition qu'elles soient encadrées par le dermatologue, et les praticiens plus novices font plus facilement confiance aux résultats fournis.
Dans la population particulière des patients avec naevi atypiques, l'emploi de cette technologie est particulièrement séduisant car il réduit le nombre de lésions à traiter (NNT) pour enlever un mélanome à moins de 3:1.
Ces images s'interprètent en fonction des informations cliniques et phénotypiques disponibles, du profil génétique ou mutationnel le cas échéant.
En l'absence de contexte médical explicité par le dermatologue, près de 50 % des mélanomes ne seront pas identifiés par le système.
L'intégration de ces données multimodales par les solutions d'intelligence artificielle nécessite au préalable l'entraînement avec des ensembles de données de bonne qualité et annotées avec les informations nécessaires.
Le docteur K. Vossaert de Gand en Belgique nous présente son expérience très intéressante d'utilisation de la photographie corporelle totale 3D en population générale et dans le suivi des patients à haut risque.
Partant du constat que les appareils actuels 2D disponibles sur le marché étaient mal adaptés à la pratique libérale car trop coûteux en temps en personnel et en espace, elle présente les données à 1 an d'utilisation par deux dermatologues et quatre internes d'un appareillage 3D.
Du fait du coût important insurmontable pour un cabinet isolé, l'appareil était installé dans un local autonome, en accès direct pour le patient ou sur adressage, et accompagné uniquement par une assistante qui recueille les informations nécessaires. Il effectue l'acquisition dermatoscopique des lésions signalées après photographie totale par l'algorithme via le diagramme en pizza, et examine les plis, les paumes, plantes et cuir chevelu. Chaque acquisition fait l'objet d'une relecture par le dermatologue qui produit un compte-rendu et des recommandations. Toute lésion analysée comme suspecte à l'issue constituait un motif d'adressage pour une consultation présentielle. L'assistance par intelligence artificielle intervient à deux niveaux : sélection des lésions après photographie totale et aide à l'examen des lésions suspectes grâce au score de malignité.
La très grande sensibilité de ces examens doit être pondérée par l'analyse du dermatologue notamment pour les lentigos solaires les vaisseaux ou par exemple les tatouages. Le dispositif sert donc à la fois d'aide au diagnostic pour les patients à haut risque d'aide au tri pour la population générale.
En un an de scanner de dépistage, 3228 patients ont été photographiés, 64 % en accès direct 36 % adressés. Il ne s’agit bien sûr pas d’un dépistage organisé et systématique à proprement parler. Parmi les 2059 patients ayant consulté spontanément les patients à haut risque ont été isolés par la présence d'antécédents personnels de mélanome, et ou de plus de 100 naevi dont un naevus atypique. Ils représentaient 15 % des patients.
Les patients à faible risque (59 % des patients) devaient présenter moins de 50 naevi et aucun antécédent personnel. Les 26 % restants constituaient le risque médian. Dans le groupe à faible risque, 10 % présentaient des lésions suspectes et le taux de détection de lésion maligne était de 5,2 % (soit 63 lésions pour 1208 patient en un an). Respectivement dans le groupe à moyen risque on retrouvait également 10 % de lésions suspectes et un taux de détection de lésions malignes à 4 % soit 22 lésions pour 545 patients. Dans le groupe à haut risque on avait 18 % de lésions suspectes, un taux de détection d'également 4,2 % soit 13 lésions malignes. Le total de mélanomes dépistés est : 1 dans le groupe à haut risque 6 dans le groupe moyen risque et 7 dans le groupe à faible risque.
Le taux moyen de détection à 4,8 % est très intéressant comparé aux données publiées il y a 10 ans dans la littérature allant 0,8 à 3,2 %.
Le nombre de lésions nécessaires à enlever pour diagnostiquer une lésion maligne est de deux en général et de trois en cas de lésion mélanocytaire.
7 mélanomes étaient invasifs, les sept autres in situ. Parmi ces 14 mélanomes, neuf étaient pour le patient de découverte fortuite. Les 6 autres patients chez qui un mélanome a été diagnostiqué s’étaient rendus dans un centre de dépistage faute de pouvoir consulter un dermatologue. 1590 patients sur les 3228 scannés n'ont pas nécessité de consultation dermatologique à la suite (tous les patients à haut risque étaient orientés, ainsi que les patients présentant des lésions suspectes). En particulier 89 % des patients de la population à faible et moyens risques n'ont pas nécessité de consultation.
Une étude comparative entre l'examen total automatisé et l'examen non assisté est par ailleurs prévue.
Le plus grand nombre des mélanomes surviennent dans le groupe de patients à faible risque, du fait de leur masse importante. L’auto-inspection reste donc actuellement la préconisation dans ce groupe, à la recherche de nouvelles lésions ou de modification de lésions existantes, le scanner pouvant servir de base de référence.
Le coût de l’examen (une centaine d’euros) était supporté par le patient. Une étude coût/efficacité est également nécessaire.
Ce modèle de dispositifs fixes et coûteux au cabinet peut sembler fragile face aux propositions d'applications mobiles mises à disposition du patient sur leurs téléphones portables. Toutefois les solutions à domicile, si elles permettent de toucher certains publics qui ne veulent ou ne peuvent consulter, reste limitée par la qualité des images, la difficulté d'une acquisition autonome, et le coût d'analyse nécessaire après la prise de vue actuellement.
Sièges : Julia Winkler (Allemagne), Allan C. Halpern (Etats-Unis), Konstantinos Liopyris (Grèce)
Orateurs : Harald Kittler (Autriche), Allan C. Halpern (Etats-Unis), Josep Malvehy (Espagne), Peter Soyer (Australie), Konstantinos Liopyris (Grèce), Julia Winkler (Allemagne)
Tous les symposiums traitant de l'intelligence artificielle sont toujours pour moi source d'émerveillement et de panique. Les changements sont toujours asymptotiques.
À l'heure où j'écris ces lignes, la tendance est au réseau neuronal transformateur ou modèle auto attentif. Ce sont des types d'architecture de réseau neuronal sans structure séquentielle et qui utilise un apprentissage semi ou non supervisé. Ils sont la colonne vertébrale des modèles de fondation comme LeChat ou ChatGPT.
Les modèles de fondation sont des modèles de machine learning entrainés sur des ensembles de données généralisées et non étiquetées et capables de réaliser des tâches diverses comme le traitement du langage naturel (NLP), répondre à des questions ou classifier des images.
Il existe à présent un modèle de fondations créé spécifiquement à usage dermatologique, afin d'interpréter des sources d'images diverses. Le but est d'effectuer du dépistage, du diagnostic, de l'analyse de données ou des pronostics. L'utilisateur est en mesure d'identifier par exemple des changements dans le temps sur des images dermatoscopiques. Il peut encore, à partir d'une image dermatoscopique, générer une prédiction sur les caractères de tel ou tel mélanome, qui sera utilisée pour choisir le traitement adjuvant ou néoadjuvant.
Ces modèles de fondations dermatologiques sont entraînés sur des ensembles de données (des ensembles de milliers voir de millions d'images étiquetées de pathologie dermatologique). À titre d'exemple, l'ISIC organise depuis 2016 des défis visant à améliorer la précision du diagnostic de mélanome en comparaison à d'autres lésions cutanées. En 2024, des centaines de milliers d'images étaient analysées et étaient disponibles pour plus de sept diagnostics différents. Les bases de données s'enrichissent actuellement d'images de provenances diverses (photographies cliniques, dermatoscopie, histopathologie, biologie moléculaire etc.). Les points d'attention actuels nécessaires pour minimiser les biais en analyse d'image dermatologique sont : les lésions sous représentées dans les bases de données, les variations de couleur de peau, la pilosité, mais également les repères placés sur les photos.
En Europe, l'IA explicable est requise par la législation sur l'IA en santé. Il s'agit de solutions artificielles pour lesquelles le modèle d'apprentissage profond est compréhensible par l'homme. Si elle semble séduisante, car plus rassurante, elle permet surtout actuellement d'expliquer les erreurs de l'IA, mais n'apporte pas plus de précision.
S'il est admis maintenant que les diagnostics sont à présent mieux établis par les algorithmes d'IA que par les cliniciens, les questions non résolues sont de savoir quoi faire avec ces nouvelles réponses. L'humain reste le détenteur de l'information, et celui qui choisit quand, où, comment, et à qui la transmettre. Il doit choisir les champs d'application utiles de l'intelligence artificielle.
Pour la formation, différentes études montrent, de manière attendue, que les informations fournies par l'IA bénéficient d'avantages aux utilisateurs peu expérimentés.
En recherche, l'intelligence artificielle est dès à présent utilisée dans les études prospectives en vie réelle : comme celle où en 2023, l'équipe de Menzies montre, dans le Lancet santé digitale, qu'un algorithme est aussi bien qu'un spécialiste pour le diagnostic de lésion pigmentée suspecte en télé expertise sur le téléphone portable.
Le médecin a aussi la charge d'optimiser la réponse apportée par l'intelligence artificielle. Par exemple en oncodermatologie, un faux négatif dans le diagnostic du mélanome entraîne des conséquences autrement plus graves qu'un faux positif. Positionner ce curseur est aussi important que d'augmenter la précision. Il est donc crucial d'utiliser des boucles de renforcement dans les modèles d'aide à la décision thérapeutique, en utilisant par exemple des pénalités asymétriques.
Les outils d'IA permettent également de sélectionner les flux d'informations pertinents par exemple lors de tri de demandes de télé expertise.
La médecine digitale, qui comprend l'usage de l'intelligence artificielle, représente en 2025 un marché de 57 milliards de dollars. On y trouve, pêle-mêle : la télé expertise et la télé consultation, les applications de diagnostic qui s'adressent aux patients comme aux soignants, les différents progrès de l'imagerie. Si la dermoscopie est pleinement rentrée dans le quotidien du dermatologue, d'autres techniques d'imagerie sont encore plus confidentielles, comme la dermoscopie optique à très fort grossissement (OSHMD) qui permet l'observation avec un grossissement x400 de structures proches de celle de la microscopie.
L'imagerie 3D corporelle totale permet un repérage de lésions individuelles par leurs coordonnées uniques en trois dimensions. Une fois de plus la façon d'utiliser cette technologie est encore à affiner puisqu'une toute dernière publication de l'équipe de H.P. Soyer vient de montrer dans le Jama Dermatology que chez les praticiens peu expérimentés et sans apport de l'intelligence artificielle, le dépistage de mélanome était moins efficace en employant le système 3D (35%) que dans le groupe contrôle (64%).
L'imagerie cutanée profonde (microscopie confocale et LC-OCT), qui vise à augmenter la précision diagnostique au-delà des images dermatoscopique, semble actuellement plus utilisée en Europe qu'aux États-Unis.
Le développement des outils d'intelligence artificielle en santé est complexe et passe actuellement par de multiples étapes : il faut d'abord définir le problème à solutionner et concevoir le programme ; puis vient la phase de collection des données de développement du modèle ; la phase préclinique de validation technique et la phase de validation clinique en vie réelle. Ensuite il faut obtenir le marquage CE et depuis tout récemment la conformité à l'European AI Act (applicable dès août 2025). Le produit doit ensuite prouver ses qualités en matière de cyber sécurité, intégration au système informatique, et éthique. Il est également demandé d'exploiter une intelligence artificielle explicable. Puis vient la phase d'utilisation commerciale du système, avec mise en œuvre dans la pratique quotidienne, évaluation du produit et les problématiques de remboursement par les systèmes de santé, et l'évaluation continue et la veille post mise sur le marché.
Le groupe collaboratif international d'imagerie cutanée sur l'intelligence artificielle a publié en 2022 dans le JAMA Dermatol la liste des éléments nécessaires à l'évaluation des appareils d'imagerie utilisant l'intelligence artificielle en dermatologie.
Le point clé est l'ensemble de données utilisées pour entraîner l'algorithme. La qualité de l'ensemble des données est primordiale et les industriels se doivent d'être transparents sur son origine. L'algorithme doit lui aussi pouvoir être évalué et accessible. Le produit doit également avoir une cible définie (soignants, patients, …) et un utilisateur final ainsi qu'un usage défini.
Il existe plusieurs dispositifs disponibles dotés de marquage CE classe IIA, mais à la lumière des récentes études (Rotemberg, Jama dermatology, 2024…) les applications sur smartphone actuellement disponibles pour le diagnostic de mélanome n'ont pas montré de valeur évidente en vie réelle, du fait de l'absence de données robustes suffisantes et accessibles.
Un marquage CE IIa n'est pas un gage de qualité scientifique suffisante ! Et, comme dans l'industrie du médicament, il faut exiger la preuve par des essais cliniques.
L'intelligence artificielle reste un outil : son assistance permet une intelligence augmentée de l'utilisateur. Les études prouvent également que patients et médecins adhèrent davantage à l'assistance du dermatologue par la machine qu'à l'humain ou l'IA seule.
Il aborde le projet ACEMID un maillage de 3 états australiens par 15 dispositifs de photographie corporelle totale 3D, la moitié se trouvant en zone rurale. Actuellement l'étude compte 16 000 visites de 7500 participants ; des outils d'intelligence artificielle vont prochainement être intégrés. Actuellement les données collectées concernent : l'imagerie 3D et les images dermoscopiques, des données cliniques et des questionnaires patients, le melanoma risk de l'institut australien, des données de génétique et de protéomique, les données des registres australiens du cancer, les lames virtuelles et les comptes-rendus histologiques.
L'utilisation de ces techniques d'imagerie informatisée en dermatologie pose des questions en termes de législation et de confidentialité des données. Les réflexions sont actuellement menées pour proposer des recommandations pour la gouvernance des données (classification, la sécurisation, l'anonymisation et la conservation des données).
Les applications de l'imagerie corporelle totale 3D ne se limitent pas au mélanome. Son utilisation permet le suivi de toutes sortes de pathologies dermatologiques (évaluation des réponses aux traitements, calcul de scores type PASI, BSA, …). Les erreurs d'interprétation des images par l'algorithme d'intelligence artificielle peuvent provenir de modification de : la morphologie du patient, de sa position, des zones pileuses ou des tatouages ou interpositions, des changements de position, d'un problème de segmentation ou tout simplement par manque de reproductibilité.
C'est un fait établi que les réseaux neuronaux convolutifs surpassent l'humain dans l'analyse d'images de lésion cutanée pigmentée, de façon encore plus prégnante quand l'utilisateur est peu expérimenté. Actuellement pour un panel de lésions plus large, le réseau neuronal égale l'homme y compris dans le niveau de doute des lésions de diagnostic difficile comme les lésions faciales !
Les performances de l'AI sont cependant mauvaises pour les lésions muqueuses et unguéales de même que pour les lésions vasculaires, annexielles, les lymphomes et toutes les tumeurs rares.
Sièges : Christian Blank (Pays-Bas), Georgina Long (Australie)
Orateurs : Georgina Long (Australie), Christian Blank (Pays-Bas), Alexander Eggermont (Pays-Bas), Julie Stein-Deutsch (Etats-Unis)
Le mieux est l'ennemi du bien au royaume du traitement néoadjuvant. On obtient une réponse immunitaire différente lorsqu'on administre l'immunothérapie en néoadjuvant ou en adjuvant.
Le traitement néoadjuvant dans le mélanome est actuellement administré 6 à 8 semaines avant la chirurgie, puis l'on évalue la réponse à l'histologie. Une réponse histologique complète est définie par 10 % maximum de tumeur résiduelle. Une réponse partielle est admise de 10 à 50 % de tumeur résiduelle et une absence de réponse caractérisée par +50 %. La somme des réponses histologiques complète et partielle constitue la réponse histologique majeure.
Les études clés SWOG et NADINA ont permis l'efficacité de l'immunothérapie néoadjuvante et de dispenser les patients répondeurs majeurs de traitement ultérieur. Les courbes de survie sans événements sont superposables dans les deux essais montrant avec SWOG (HR 0.58) 42 % de réduction de risque de survenue d'événements (progression, récurrence ou mort toutes causes confondues et 68% pour NADINA (HR 0.32). Ces résultats débouchent progressivement sur des autorisations de traitement et de remboursement pour ces drogues dans le monde.
L'analyse poolée des checkpoints inhibiteurs en néoadjuvant montre une supériorité des combinaisons (avec anti CTLA4 ou anti-LAG) sur l'anti PD1 seul en termes de survie sans événement. Toujours en analyse poolée, on observe 61 % de réponses histologiques majeures en combinaison contre 50 % sous anti PD1 néoadjuvant seul. Ces patients qui ne poursuivent donc ensuite aucun traitement ont moins de risque de toxicité, une meilleure qualité de vie et moins d'impact économique. Pour les patients BRAF mutés chez qui on n'observe pas de réponse, cette non-réponse permet de guider le choix du traitement adjuvant par thérapie ciblée.
La réponse histologique majeure est de bon augure quel que soit la conduite adjuvante adoptée. La survie globale des patients qui ont reçu un inhibiteur de checkpoint en néoadjuvant est meilleure que celle des patients qui ont reçu un anti PD1 en adjuvant en l'absence de réponse histologique.
Enfin la surveillance peut être étendue à un rythme semestriel pour les patients avec réponse majeure. Histologiquement la réponse pathologique est estimée à partir du pourcentage de tumeur viable, et de celui de territoires fibro inflammatoires (et secondairement de nécrose, et de mélanophages). Du côté des pathologistes la macroscopie des ganglions après traitement néoadjuvant réduit au moins de moitié avec les nouvelles recommandations.
Du côté chirurgical, les résultats de l'étude Prado (où après exérèse du ganglion index pour établir le degré de réponse histologique, aucun curage complémentaire n'est nécessaire en cas de réponse majeure) doivent être confirmée par l'étude en cours MSLT3.
Les résultats poolés SWOG + Nadina montrent que les patients qui ont des scores d'interféron gamma élevés ont un meilleur devenir. Ces profils de bons répondeurs pourraient donc être traités par anti PD1 néoadjuvant seul.
L'étude NéoIreni va bientôt ouvrir afin de déterminer si l'on peut réserver une escalade néoadjuvante (PD1 ipilimumab relatlimab) aux seuls patients considérés comme futurs non répondeurs à un anti PD1 en monothérapie grâce à un test composite Neopredict réalisé à baseline.
Plusieurs pistes de réflexion extrêmement intéressantes concernant les biomarqueurs :
Les résultats à cinq ans de l'étude PRADO montrent que les 60 % de patients qui présentent une réponse histologique majeure ont une survie spécifique pour le mélanome de 98 %, devant déconseiller toute stratégie agressive.
En revanche, pour les patients qui possèdent une faible signature interféron, on s'orientera vers une escalade thérapeutique avec forte dose d'ipilimumab/nivolumab dans le but d'obtenir une réponse histologique compensée et un rattrapage des courbes de survie sans récidive.
Chez les patients restant avec une signature interféron basse sous traitement néoadjuvant par anti PD1, l'adjonction d'ipilimumab permet d'augmenter la signature et, parallèlement, la réponse antitumorale. Dans le groupe de patients à signature interféron faible, on peut même, sans augmenter la toxicité, améliorer le taux de réponse en adaptant le traitement.
Un autre profil de patients candidats pour une intensification thérapeutique est le groupe dont la tumeur exprime faiblement le PD-L1 et fortement le LGR1 soluble.
LRG1 est une glycoprotéine qui augmente la néovascularisation par action sur le signal TGF bêta. Elle est induite par l'IL-6 et les hépatocytes et joue un rôle dans la diffusion des micrométastases. L'expression de cette molécule est un marqueur de mauvais pronostic de la réponse à l'immunothérapie au même titre que la signature interféron mais aussi pour l'évolution globale du patient (ce qui apparaît clairement dans les cohortes des patients PRADO et OpaCIN neo).
Les signaux adrénergiques liés au stress diminuent la réponse immunitaire. Les patients exposés au stress ont de moins bons taux de réponse et de survie sans événement et une moins bonne survie sans métastase.
Les lymphocytes T activés expriment plus de récepteurs de surface à l'adrénaline, et leur stimulation aggrave l’épuisement immunitaire. En bloquant les récepteurs bêta-1 et bêta-2 à l'adrénaline avec un bêtabloquant comme le propranolol le devenir des patients est amélioré.
Il semble en revanche que les patients soumis au stress aient une plus faible incidence de toxicité immuno-induite de grade III et IV.
« More cures, shorter treatments, less surgery » semble être le nouveau crédo en matière de traitement néoadjuvant dans tous types de cancers. Ce topo dégage plusieurs exemples à suivre dans d'autres pathologies.
Le carcinome épidermoïde cutané est une tumeur à très forte charge mutationnelle. L'article du New England journal de l'équipe de Gross en 2022 montrait un taux de réponse complète + quasi complète 63 % sous-estimé par l'évaluation par imagerie.
L'arrivée de formulation sous-cutanée d'anti PD1 (nivolumab pembrolizumab cémiplimab) facilitera encore davantage leur emploi néoadjuvant.
On observe également dans les cancers tête et cou une corrélation entre la réponse pathologique (complète ou quasi-complète) aux anti PD1 seuls ou quelle que soit l'association avec ipilimumab ou rélatlimab, et la survie cumulée (Li, Cancer Cell 2025). On attend les communications concernant les études de phase III de combinaison anti PD1 et anti-lag 3.
Les traitements néoadjuvants par anti PD1 (pembrolizumab) montrent également leur intérêt en combinaison à la chimiothérapie classique cytotoxique dans le traitement du cancer du sein triple négatif.
On retrouve un taux de réponse complète histologique significativement plus élevé. Les publications de 2024 montrant un impact sur la survie globale à l'autorisation du pembrolizumab en traitement néoadjuvant. L'utilisation de la combinaison néoadjuvante nivolumab/rélatlimab sans cytotoxique montre également une augmentation de la réponse histologique majeure.
Dans le cancer du poumon, l'association nivolumab plus chimiothérapie en traitement néoadjuvant des tumeurs résécables localement avancées montre 10 fois plus de réponse histologique complète que la chimiothérapie seule, même si les essais n'ont montré d'amélioration significative de la survie globale que pour les tumeurs exprimant le PDL1.
L'association pembrolizumab/chimiothérapie néoadjuvante fait mieux que le pembrolizumab adjuvant lui-même plus performant que la chimiothérapie seule, avec cette fois de gain sur la survie globale !
L'immunothérapie néoadjuvante est bien sûr efficace dans le traitement des cancers induits par une instabilité des microsatellites. L'étude NICHE 1 montrait 100 % de réponse histologique dont 60 % de réponse complète dans les cancers colorectaux dMMR.
Les études testant la combinaison anti CTLA4 + anti PD1 (botensilimab + blstilimab) montre des taux de réponse voisins de 30 % dans les cancers avec anomalie de la réparation, et de 93 % dans les cancers MSI+, le tout sans récidive à un an. Dans les cancers de la vessie, qui ont également une forte charge mutationnelle, le durvalumab néoadjuvant plus chimiothérapie montre un bénéfice sur la survie sans événement et la survie globale et réduire drastiquement le nombre de cystectomies nécessaires. La réduction de la morbidité sera l'objectif principal des essais pivot
Les anti PD 1 néoadjuvants ont également montré un bénéfice sur la survie dans le glioblastome récidivant, même après une seule dose…
Il existe depuis 2020 un score de réponse histologique aux anti PD1, toutes tumeurs confondues. Il décrit les trois composantes du lit de régression : la tumeur résiduelle, la nécrose et la régression.
La réponse à l'examen histologique après traitement adjuvant constitue l'équivalent de l'évaluation RECIST par imagerie en situation métastatique.
L'établissement de ces scores imposent aux pathologistes d'établir de nouvelles recommandations de prise en charge macroscopique et de rédaction des comptes-rendus afin à l'avenir de pouvoir réduire cette nouvelle charge de travail.
La dernière harmonisation présentée à l'ASCO en 2024 montre que les résultats sont reproductibles indépendamment du type de cancer, du type de prélèvement (tumeur primitive, ganglion sentinelle, biopsie), tant pour l'estimation du pourcentage de la tumeur résiduelle que pour le pourcentage de régression.
Les résultats de l'analyse des ganglions ou de la tumeur post-traitement néoadjuvant sont donc rendus pour trois paramètres (la tumeur résiduelle, la nécrose, la régression), exprimée par tranche de 10 %, avec mention de réponse complète histologique, de réponse histologique majeure ou quasi-complète, mais pas de recommandation actuelle pour les réponses partielles ou les absences de réponse à ce stade.
Sièges : Paul Lorigan (Royaume-Unis), Jun Guo (Chine)
Orateurs : Jun Guo (Chine), Bin Lian (Chine), Paul Lorigan (Royaume-Unis), Paul Nathan (Royaume-Unis)
Les équipes chinoises ont présenté leurs travaux en matière de mélanome muqueux. En effet, le mélanome muqueux, s'il est peu commun dans nos cohortes de patients (moins de 1 %), représente un quart des mélanomes rencontrés en population chinoise.
Il est principalement rencontré au niveau anal et sinusal et la survie des patients présentant un mélanome muqueux est bien moindre que celle des patients présentant un mélanome cutané. Il possède une faible charge mutationnelle, une mutation BRAF seulement dans 16 % des cas et CKIT dans 15 % des cas. On observe dans ces tumeurs moins d'infiltration par le système immunitaire et l'efficacité des inhibiteurs de checkpoints reste limitée avec un taux de réponse global maximum de 19 % selon les études contre 30 à 40 % pour le SSM. La combinaison à l'ipilimumab ne change pas la survie sans progression ni la survie globale, l'ajout du rélatlimab ne montre pas non plus d'amélioration de la survie globale, pas plus que la triple association.
Dans les cas BRAF mutés, l'efficacité est par contre superposable aux données pour le SSM dans toutes les études en population asiatique (Corée, Chine, Japon). La mutation NRAS est présente chez environ 18 % des patients, et le taux de réponse globale atteint 25 % sous inhibiteurs de MEK (contre 10 % dans les SSM et 43 % dans les mélanomes acraux). Chez les patients CKIT mutés l'association imatinib + toripalimab permet un contrôle de la maladie dans 80 % des cas avec un taux de réponse globale de 55 %.
La forte expression de VEGF endothélial est un facteur de mauvais pronostic, les essais associant l'axitinib (inhibiteur de tyrosine kinase avec action anti VEGFR) et le toripalimab (anti PD1) a montré un taux de réponse global de 48 % chez des patients naïfs de chimiothérapie. Les données de survie à trois ans publiés en 2022 montrent une survie sans progression médiane de 7,5 mois et une survie globale médiane de 20 mois, ce qui a conduit à l'autorisation de la FDA comme médicament orphelin.
Enfin si l'association pembrolizumab + lenvatinib n'a pas montré sa supériorité contre le pembrolizumab seul pour le SSM, pour les 64 patient chinois présentant un mélanome muqueux, le taux de réponse global passait cependant à 26 % sous pembrolizumab seul. Les données vont être présentées à l'Asco cette année.
Les recommandations chinoises pour le traitement du mélanome muqueux avancé comprennent donc en première ligne : une combinaison de cytotoxiques (carboplatine+paclitaxel) ou d'un anti PD1 avec un antiangiogénique(axitinib ou bévacizumab,) ou l'association anti BRAF+anti MEK en cas de mutation BRAF, et en 2e ligne une monothérapie anti PD 1 ou 1 anti MEK le tunlametinib en cas de mutation NRAS.
Dans les mélanomes muqueux stade II ou III, le traitement adjuvant (par cisplatine + témozolomide 6 cycles) fait mieux que l'observation ou l'interféron alpha pendant un an, en termes de survie globale et de survie sans récidive.
L'ipilimumab à 10 mg/kg toutes les trois semaines quatre fois, puis toutes les deux semaines, fait également mieux que le nivolumab à 3 mg/kg.
Sur la base d'études rétrospectives ou de comparaison à la littérature, la chimiothérapie adjuvante qui est proposée pour les mélanomes muqueux en Chine, après exérèse complète et curage en cas d'atteinte ganglionnaire macroscopique.
En situation néoadjuvante, un essai de phase II a étudié l'efficacité du toripalimab combiné à l'axitinib : le taux de réponse était de 33 % (effectif assez faible d'une trentaine de patients), chez ces patients, les tumeurs semblent être infiltrées par plus de lymphocytes après traitement.
Un autre essai a testé l'association pembrolizumab + lenvatinib en néoadjuvant : le taux de réponse était de 38 %, toujours avec un petit effectif de 21 patients. Toutefois les équipes chinoises ont actuellement des essais adjuvants ouverts recrutant plus de 600 patients !
En population caucasienne, le mélanome muqueux représente 1,3 % des mélanomes. Il survient plus tardivement avec une médiane à 70 ans. 55 % sont localisés au niveau des sinus, 24 % en anorectal, 18 % en vulvaire.
Le Royaume-Uni a publié des recommandations : la chirurgie des mélanomes ano rectaux, péniens et vulvo-vaginaux doit viser une exérèse complète en préservant les fonctions sphincteriennes, urinaires et génitales; le ganglion sentinelle n'est pas recommandé de façon systématique, hors essai clinique.
Pour les mélanomes des sinus, la radiothérapie adjuvante doit être discutée en cas de risque de récidive locale.
Les mélanome muqueux ont une faible charge mutationnelle, et moins de mutations somatiques, mais plutôt des variations des structures ou de nombre de copies. On retrouve environ 10% pour chaque mutation : BRAF, NRAS, CKIT NF1.
Sièges : Christoph Höller (Autriche), Mario Mandala (Italie)
Orateurs : Michael Midgen (Etats-Unis), Adil Daud (Etats-Unis), Christoph Holler (Autriche)
Le traitement intralésionnel est :
- Une alternative à la voie intraveineuse pour augmenter la concentration tissulaire locale, en l'absence de signe de métastase à distance.
- Une option en situation néo adjuvante, pour des localisations particulières, ou des lésions à haut risque
L'immunothérapie intralésionnelle peut être un anticorps comme les anti PD 1, un virus oncolytique, un vecteur viral (délivrant par exemple de l'interféron gamma), un anticorps conjugué à une cytokine.
L'étude de phase I testant le cémiplimab intralésionnel dans le carcinome cutané épidermoïde ou basocellulaire, a permis d'aboutir à une escalade de dose à 5 mg pour laquelle on obtenait 77 % de taux de réponse objective, toutes étant des réponses complètes. L’étude de phase trois est actuellement ouverte.
Une étude de phase 1B/2 est en cours chez les transplantés d'organes solides testant un virus oncolytique RP1 qui va exprimer le GCSF et une protéine fusogénique GALV-GP-R entraînant la formation de syncitium immunogène.
Préalablement, le RP en intratumoral a montré en association avec le nivolumab intraveineux des réponses complètes chez les patients immunocompétents dans l’étude IGNYTE.
Le taux de réponse global avoisine les 35 % dans ce petit effectif de 23 patients. On ne constate aucun effet secondaire de grade III à IV relié au traitement et surtout aucun rejet de la greffe.
L'adénovirus est un autre vecteur viral modifié par délétions pour le rendre incapable de réplication. Avec le Sp002, la cellule infectée va alors produire pendant deux semaines de l'interféron gamma.
Une étude de phase II utilise ce vecteur viral en 3 injections hebdomadaires après quatre semaines de vismodégib.
Les anticorps conjugués comportent une fraction propriétaire qui se lie à une protéine exprimée spécifiquement par les tumeurs (par exemple la fibronectine I19) fusionnée à une fraction cytokinique (par exemple TNF ou IL2). Il s'agit donc de thérapeutiques sélectives à action immunomodulatrice qui peuvent être combinées en une même injection. Les données de l'étude pivot de phase III DAROMUNE chez les patients avec un mélanome localement avancé opérable ont été présentées à l'ASCO 2024 : la survie sans récidive était augmentée à 57,5 % dans le groupe traitement contre 23,6 dans le groupe chirurgie seule, le HR était de 0.59. Le profil d'effets secondaires était une réaction au point d'injection et des signes de réponse immunitaire classique (fièvre).
On attend actuellement les résultats de 2 études de phase II testant la même thérapeutique (Daromun) dans les tumeurs cutanées malignes non mélanocytaires.
On peut enfin utiliser une navette peptidique pour délivrer un oligomère antisens qui va bloquer en intracellulaire la traduction d'ARN messager (par exemple Gli1 dans le carcinome basocellulaire). Ces molécules vont adhérer aux cellules par électrostatisme puis générer une endocytose.
La technique d'injection intratumorale est en elle-même très importante pour obtenir une efficacité du traitement. La cible doit être à la fois le derme péritumoral et la tumeur elle-même en infiltrant à 1 mm en profondeur au centre à la base et en périphérie, pour assurer un traitement de l'intégralité de la tumeur. L'injection doit être extrêmement lente et en de multiples fractions, idéalement échoguidée afin de visualiser la répartition.
Dans le micro-environnement tumoral, les molécules comme STING et GAS entrainent la maturation des cellules dendritiques et présentatrices d'antigène qui migrent dans le ganglion où elles activent les lymphocytes T via des récepteurs (PD1 est un point de contrôle du micro-environnement tumoral, CTLA4 est un signal de costimulation à l'étage ganglionnaire, LAG3…).
Dans le micro-environnement tumoral, les lymphocytes finissent inexorablement par être épuisés. Définitivement, ils perdent leur capacité à produire l'interféron gamma et l'IL2 puis expriment les molécules de surface PD1 et LAG 3. Les immunothérapies suspendent temporairement l'épuisement lymphocytaire pour que la réponse à l'immunothérapie perdure, de nouveaux lymphocytes doivent être recrutés à partir des ganglions ou de la circulation périphérique.
Afin de générer une vaccination locale, des thérapeutiques peuvent être injectées en utilisant l'électro chimiothérapie (injection de plasmide contenant l'interleukine, puis électroporation à l'aide d'une électrode à aiguilles).
Lorsqu'elle était administrée à des patients identifiés comme non répondeurs aux anti PD1 (du fait de la faible expression par leurs lymphocytes de récepteurs de costimulation), l'adjonction au PD1 systémique de l'IL12 par électroporation permettait de surmonter dans 40% des cas l'absence de réponse aux anti PD1.
Un des problèmes en matière de traitement intratumoral est d'identifier parmi les réponses inflammatoires post procédure, celles qui déclenchent une réponse anti tumorale.
Dans l'étude Keynote 665, les patients progressant sous anti PD1 et traités ensuite par PD1 + plasmide à l'IL12 ont atteint une médiane de survie de 23 mois (au lieu des 10 mois attendus), le taux de réponse global était de 27.8%, et en particulier de 25.9% chez les patients M1 b, c ou d, et on observait des réponses sur des lésions systémiques non injectées.
Des réponses similaires ont été obtenues dans le cancer du sein triple négatif (le traitement par IL12 induisait l’apparition de lymphocytes T CD8+, et une sensibilité aux anti pd1), et dans le carcinome à cellules de Merkel.
Pas tout à fait, mais…
Le TVEC est une thérapeutique issue du herpès virus HSV1, modifié pour que sa réplication soit préférentielle dans les cellules tumorales, qu'elle en augmente la lyse et qu'il exprime du GM-CSF, porteur d'une réponse antitumorale.
Si son efficacité n'avait pas été démontrée en curatif aux stades avancés, son utilisation en néoadjuvant pour des mélanomes de stade IIIB à IV M1a montre une réponse histologique complète dans 17 % (en ITT), avec un aspect en plateau des courbes de survie globale et de survie sans récidive.
L'étude DAROMUN montre quant à elle une augmentation significative de la survie sans métastase et de la survie sans récidive chez des patients ayant déjà reçu dans plus d'un tiers des cas des traitements systémiques préalables, principalement une immunothérapie, curative ou adjuvante. La réponse pathologique complète obtenue était de 21 %.
Ces thérapeutiques intralésionnelles montrent des résultats intéressants mais ne sont bien sûr pas au niveau des néoadjuvants systémiques (ipilimumab + nivolumab) utilisés en phase III.
Ils ont cependant toute leur place chez les patients éligibles aux immunothérapies systémiques (transplantés d'organes, patient sous immunosuppresseurs, comorbidités) ou en échec après l'ensemble des immunothérapies.
Pour les tumeurs non mélanocytaires, on a vu les résultats de phase II du cemiplimab néoadjuvant dans le carcinome épidermoïde cutané localement avancé, avec des réponses histologiques complètes à 50 %.
Une étude de phase II testant le T VEC néoadjuvant dans les carcinomes basocellulaires localement avancés mais opérables avec rançon cicatricielle. L'objectif principal est de voir si les carcinomes deviennent résécables en suture directe après traitement. L'étude préliminaire sur 18 patients montrait 50 % de suture directe, 33 % de réponse histologique complète et 33 % de réponse clinique complète.
Siège : Axel Hauschild (Allemagne)
Orateurs : Axel Hauschild (Allemagne), Caroline Robert (France), Susana Puig (Espagne)
Actuellement, les seuls traitements validés dans le mélanome résécable de stade III depuis septembre 2024 sont le nivolumab le pembrolizumab et l'association tramétinib/dabrafénib. Malgré ces traitements, environ un patient sur deux aura récidivé 5 à 7 ans plus tard.
L'approche actuelle est adjuvante : la lésion est retirée chirurgicalement puis l’immunothérapie est administrée pour un an. Dans cette situation, on a retiré les cellules contre lesquelles on souhaiterait créer la réponse immunitaire et potentiellement on obtient moins de lymphocytes T activés, et de lymphocytes T cytotoxiques ciblant les néo antigènes tumoraux.
En situation purement néoadjuvante, immunothérapie est administrée avant la chirurgie pour obtenir le plus de clones T activés possibles. La chirurgie est ensuite potentiellement optionnelle, en fonction de la réponse histologique obtenue.
Le schéma utilisé dans SWOG avec le pembrolizumab est hybride et appelé périopératoire. Il consiste à répartir l'année d'immunothérapie en 3 cycles pré-chirurgicaux puis de compléter le reste de l'année avec les 15 cycles post-chirurgicaux. La survie sans événement à deux ans est de 72 % dans le bras néoadjuvant.
Cette formule permet avantageusement d'utiliser le temps d'attente souvent nécessaire à l'organisation de la chirurgie. Par rapport aux recommandations actuelles la durée de traitement total est identique : il n'y a pas de surcoût ni de sur toxicité.
L'essai NADINA avec nivolumab + ipilimumab dans son bras néoadjuvant conditionnait la poursuite de l'immunothérapie en post-opératoire a une absence de réponse histologique majeure.
La survie sans événement à 1 an est de 83.7 % dans le bras néoadjuvant. Les données à deux ans seront publiées l'an prochain.
La réponse histologique prédit la survie sans récidive : 60 % des patients étaient en réponse histologique majeure et ces patients restent pratiquement tous sans récidive à un puis deux ans. Les patients non répondeurs histologiquement récidive dans un peu moins de la moitié des cas environ à un an. Les répondeurs partiels ont un avenir intermédiaire.
Les nouvelles recommandations 2025 de l'ESMO et l'EADO retiennent donc un traitement néoadjuvant en première ligne dans le mélanome résécable de stade III : il peut être, selon les patients, soit le pembrolizumab seul + adjuvant, soit l'ipilimumab plus nivolumab +/- adjuvant.
L'autre information récente concernant le traitement néoadjuvant concerne le néoadjuvant intralésionnel. Daromun, administré en injection intratumorale est actuellement en attente d'autorisation par l'agence européenne du médicament. Il s'agit d'un cocktail de molécules mixtes couplant un anticorps dirigé contre la fibronectine (exprimée dans les vaisseaux tumoraux), à l'IL2 ou au TNF alpha, dans une même injection. Dans l'étude pivot et l'étude néo Dream, contrairement aux essais de néoadjuvant systémique Nadina et Swog, les patients pouvaient avoir reçu une immunothérapie ou une radiothérapie préalable, le traitement adjuvant était laissé à la discrétion de l'investigateur.
On notera de l'ensemble de ces études que les métastases cutanées et sous-cutanées semblent répondre moins bien aux immunothérapies que les métastases ganglionnaires. La littérature montre que les patients avec métastases cutanées multiples ont fréquemment des récidives rapides de nouvelles lésions.
A la différence de la chirurgie, de la radiothérapie, de l'électrochimiothérapie, l’immunothérapie intratumorale vise à obtenir un effet abscopal.
Petites remarques pour la route :
Les mutations NF1 sont présentes plus fréquemment dans le mélanome desmoplastiques et les mélanomes associés aux dommages solaires chroniques et à forte charge mutationnelle, elles répondent donc plus fréquemment aux immunothérapies anti PD1.
Les injections intratumorales sont désagréables, voire douloureuses, mais elles ne doivent pas être combinées à de l'anesthésique local sous peine de modifier potentiellement la réponse au traitement.
Sièges : Philippe Saiag (France), David Adams (Royaume-Unis)
Orateurs : David Adams (Royaume-Unis), Thomas Jouary (France), Philippe Saiag (France)
Ce projet a pour but de caractériser le génome des 70 tumeurs cutanées rares individualisées par l’OMS, à partir de matériel en paraffine recueilli dans le monde entier. Chaque cas fait l’objet d’une relecture centralisée et d’un séquençage du transcriptome et de l’exome après extraction de l’ARN et de l’ADN. On cherche à identifier les variants somatiques et germinaux, les altérations de nombres de copies, des pathogènes, des signatures mutationnelles, des gènes de fusion. Plus de 3000 tumeurs ont été analysées, plus de 50 par type différent, bénignes ou malignes, issues de toutes les structures cutanées. Ces données vont être utilisées pour entraîner des algorithmes en apprentissage profond.
Ainsi 286 tumeurs sébacées (sébacéomes et adénomes, bénins, ou adénocarcinomes, malins) ont été analysées. Elles peuvent être sporadiques (avec ou sans anomalie de réparation de l’ADN par altération des gènes MSH 2, 6 MLH1 ou PMS2) ou associées au syndrome de Lynch ou de Muir-Torre. Toutes ces tumeurs ont des mutations dans des gènes comme NOTCH1, RREB1 et HRAS à l’exception des tumeurs péri oculaires qui diffèrent génétiquement, mutées P53 et ZNF750.
Les tumeurs avec altération des gènes de réparation de l’ADN ont une forte charge mutationnelle, encore d’avantage que les mélanomes, suggérant une efficacité des traitements anti PD1, et particulièrement un fort taux d’insertions délétions ;
Les mutations constitutionnelles de MUTYH constituent également un équivalent de syndrome de Lynch.
Les données analysées permettent d’obtenir des recommandations pratiques pour les cliniciens et les pathologistes : par exemple, la probabilité d’avoir un syndrome de Lynch est de 98,5% en cas de tumeurs sébacées multiples, dont des localisations hors de la tête et du cou, et des cancers associés au syndrome de Lynch.
40 sous types de tumeurs annexielles sont individualisées actuellement par l’OMS, à partir de 4 groupes principaux : carcinomes des glandes sudorales eccrines et apocrines, carcinomes folliculaires, carcinomes sébacés, et enfin carcinomes spécifiques de sites. La base CARADERM, inclut à présent 5620 patients (49% de tumeurs sudorales, 37% de folliculaires et 11% de sébacées).
La chirurgie reste le traitement de référence des tumeurs annexielles localisées. Le risque de récidive est en partie liée à la qualité des marges d’exérèse. Les lésions bien limitées ne nécessitent pas de précaution particulière dans l’analyse histologique des berges, mais le Slow Mohs ou le Mohs sont indiqués pour les tumeurs mal limitées (comme le carcinome annexiel microkystique, le carcinome trichoblastique, le porocarcinome invasif, l’hidradenocarcinome ou le carcinome mucineux), les tumeurs à haut risque de récidive, ou les localisations péri-orificielles.
La place de la radiothérapie adjuvante reste encore à définir, les études étant contradictoires. La radiothérapie montre cependant un intérêt dans les situations palliatives des carcinomes localement avancés, en augmentant la survie sans progression.
Le carcinome trichoblastique partage des traits communs avec les carcinomes basocellulaires, et une série de 16 cas de réponse au vismodégib a été rapportée (62% d’ORR), le faisant discuter comme traitement de première ligne. Le traitement par immunothérapie s’est révélé efficace avec un contrôle de la maladie de 54% à 3 mois dans une petite série de 12 cas. Les anti PD1 ont également été essayés dans des cas isolés de trichilemmocarcinome ou de carcinome annexiel microkystique.
Les nouvelles recommandations de l’EADO ont été publiées en janvier 2024.
Le DFSP comporte une translocation réciproque t(17 ;22) entrainant une fusion COL1A1-PDFGB. Environ 10 à 15% des DFSP se transforment en fibrosarcome, dont les cellules conservent fréquemment la translocation, souvent à l’occasion de récidives, et alors à risque de nouvelles récidives et de métastases à distance.
Le DFSP est à présent en France le sarcome cutané le plus fréquent, son incidence est récemment croissante. Il survient classiquement entre 20 et 59 ans, le plus souvent sur le tronc, sans prédominance de sexe. La croissance est lente, et une acutisation doit faire suspecter la transformation en fibrosarcome. La biopsie est indispensable au préalable ; elle retrouve un pattern storiforme de cellules CD34 positives s’infiltrant dans l’hypoderme et le long des fascias. La présence d’atypies et de mitoses fait suspecter une transformation.
Les analyses moléculaires dont la FISH ou en seconde ligne le séquençage, sont recommandées à la recherche du réarrangement, présent dans plus de 90% des cas. Dans 8% des cas, la fusion est cryptique ou bien les partenaires sont différents.
Le bilan d’extension doit comporter une IRM de la zone, afin d’éliminer une transformation (œdème péritumoral, hyposignal T2, aspect multinodulaire, absence de flux dans les vaisseaux). Un bilan scanographique à distance n’est recommandé qu’en cas de récidive ou de suspicion de métastase.
Une classification apparaît dans les recommandations : stade 1 : pas de composante nodulaire, stade 2 : nodule (a : sans atteinte du fascia, b : extension sous le fascia superficiel), stade 3 : atteinte ganglionnaire, stade 4 : métastase à distance.
Le traitement chirurgical doit viser une exérèse complète initiale, en utilisant une chirurgie micrographique et des marges latérales de 1 à 1,3 cm, et profondes au fascia profond, et en retirant celui-ci en cas de lésion profonde. La reconstruction doit être simple, et dans tous les cas réalisée uniquement après vérification du caractère complet de l’exérèse.
La surveillance n’est pas codifiée, l’imagerie n’est pas systématique.
L’imatinib (inhibiteur de PDGF) est indiqué en cas de lésions inopérables, ou métastatiques, avec une efficacité d’environ 55% (souvent des réponses partielles) et dans un but néoadjuvant. Les changements cytologiques sous imatinib peuvent perturber l’analyse histologique.
Il n’y a pas de recommandation de radiothérapie dans le DFSP.
Dans les cas de fibrosarcome, les recommandations de traitement sont identiques, avec toutefois une irradiation en cas d’exérèse complète impossible.