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Coup d'œil du congrès CARD 2025
Coup d'œil du congrès CARD 2025
Articles rédigés par Camille Kieffer (Interne en dermatologie - CHU de Rouen)
Sujets liés
Modérateurs : Franck Morel & Ewa Hainault
Emilie Marie-Joseph, Brest
Le prurit est présent chez environ 80 % des patients atteints de psoriasis. Il a été observé que des situations de dénervation, qu'elles soient accidentelles ou pathologiques, peuvent entraîner une amélioration des lésions psoriasiques. Par ailleurs, le stress, reconnu comme facteur déclenchant des poussées de psoriasis, renforce l’hypothèse d’une implication des nerfs dans la physiopathologie de cette maladie.
Le psoriasis se caractérise par une hyperprolifération kératinocytaire, fortement influencée par une inflammation médiée par l’axe IL-23/Th17. Les nerfs participent à cette inflammation, notamment via la substance P. Cependant, les données concernant l’innervation des peaux psoriasiques restent contradictoires dans la littérature : certaines études évoquent une hyper innervation, d’autres une hypo innervation.
L’objectif de cette étude était d’explorer les modifications de l’innervation dans les lésions psoriasiques et leur éventuelle association avec le prurit. Pour ce faire, des biopsies de peau saine et de peau lésionnelle ont été réalisées chez 23 patients atteints de psoriasis, dont 43 % déclaraient un prurit. L’innervation a été évaluée par immunofluorescence à l’aide du marqueur PGP 9.5 afin de quantifier la densité linéaire et d’analyser l’architecture des fibres nerveuses intra épidermiques. Il existe une diminution significative de la densité des fibres nerveuses en peau lésionnelle par rapport la peau non lésionnelle et également une diminution des ramifications mise en évidence en microscopie confocale.
Dans un second temps, le dialogue entre kératinocytes et fibres nerveuses a été étudié via trois marqueurs de protéines présynaptiques (synaptophysine, synaptotagmine 1 et syntaxine 1A). Les résultats montrent une réduction de la densité des vésicules présynaptiques kératinocytaires en regard des fibres nerveuses dans les lésions, confirmée par RT-qPCR. En revanche, aucune différence significative d’innervation n’a été observée entre les patients psoriasiques avec prurit et ceux sans prurit.
Ainsi, bien qu’une altération de l’innervation et du dialogue neuro-épidermique soit démontrée dans les lésions psoriasiques, celle-ci ne semble pas être directement corrélée à la présence de prurit. D’autres critères doivent probablement être pris en compte et notamment l’implication de cytokines et de leurs récepteurs dans les mécanismes d’innervation.
(Melanocytes differential reactivity to prolonged oxidative stress in relation to pigmentation levels: a senescence model )
Samuel Guénin, QIMA Life Sciences, Gençay
Les mélanocytes sont des cellules situées au niveau de la membrane basale de l’épiderme, établissant des connexions avec environ 35 kératinocytes en moyenne. Ils sont responsables de la pigmentation cutanée en produisant de la mélanine (eumélanine et phéomélanine). Avec l’âge, on observe une diminution du nombre de mélanocytes ainsi qu’une baisse de l’expression des enzymes de la mélanogenèse. En effet, les mélanocytes issus de donneurs âgés présentent une fonction antioxydante altérée, conduisant à une sénescence prématurée. Ces cellules sont particulièrement sensibles au stress oxydatif.
À ce jour, peu de données existent sur les effets d’un stress chronique sur la fonction des mélanocytes, et notamment sur l’impact de la pigmentation sur la réponse au stress. L’objectif de cette étude était donc de développer un modèle permettant d’induire la sénescence de mélanocytes humains par exposition chronique au peroxyde d’hydrogène.
Le modèle repose sur des mélanocytes primaires humains issus de trois donneurs présentant des niveaux de pigmentation différents (faible, moyenne et forte). La sénescence est évaluée à l’aide de trois marqueurs : la capacité proliférative, l’activité de la β-galactosidase, et l’expression de la protéine p16. Le contenu en mélanine, l’expression des marqueurs TRP-2 et tyrosinase, la dendricité des mélanocytes ainsi que le transfert de mélanosomes aux kératinocytes ont également été étudiés.
Après 7 jours de culture, les cellules sont soumises à une première phase de sensibilisation au stress oxydatif par incubation avec du peroxyde d’hydrogène pendant 2 heures. À 14 jours, une seconde phase de "vieillissement" est appliquée. Quelle que soit l’origine des mélanocytes, l’activité de la β-galactosidase est augmentée après traitement, confirmant l’induction de la sénescence. Parallèlement, la protéine p16, impliquée dans la régulation du cycle cellulaire, est surexprimée. Ce phénomène est plus marqué chez les mélanocytes issus du donneur fortement pigmenté. La prolifération cellulaire est également significativement réduite suite au stress oxydatif.
Concernant la fonctionnalité des mélanocytes, les résultats montrent une augmentation de plus de 50 % de la production de mélanine chez les mélanocytes fortement pigmentés après stress, un effet absent chez les autres types cellulaires. Cette surexpression s’accompagne d’une augmentation significative de la tyrosinase et de TRP-2 uniquement dans les mélanocytes fortement pigmentés.
Alors que l’hormone mélanotrope (α-MSH) stimule la prolifération des mélanocytes contrôles, cet effet est perdu dans les cellules sénescentes. Cependant, ces dernières conservent leur capacité à produire de la mélanine en réponse à une stimulation du récepteur MC1R. En co-culture avec des kératinocytes, les mélanocytes sénescents montrent une perte de dendricité et une augmentation de l’expression de TRP-1 en réponse à l’IBMX (inhibiteur non spécifique des phosphodiestérases, PDEs). Par ailleurs, ils présentent une tendance à un transfert accru de mélanosomes vers les kératinocytes, pouvant entraîner un épuisement des vésicules pigmentaires.
Ce modèle est ainsi validé. Il offre un outil pertinent pour l’étude du vieillissement des mélanocytes et l’évaluation de composés préventifs du vieillissement, en tenant compte de différents niveaux de pigmentation. Les perspectives incluent une caractérisation plus fine du modèle et son intégration dans des épidermes reconstruits pour une approche plus physiologique.
Ribal Merhi, Bordeaux
Le vitiligo est une maladie auto-immune médiée par une réponse lymphocytaire, avec un rôle prépondérant des lymphocytes T résidents mémoires (Trm) en zone périlésionnelle, conduisant à l’extension des lésions dépigmentées. Ces cellules produisent du TNF-α et de l’IFN-γ, responsables de la destruction des mélanocytes.
Plus récemment, il a été démontré que ces lymphocytes Trm étaient également présents dans des zones cliniquement saines. L’objectif de cette étude était de caractériser ces cellules dans la peau non lésionnelle.
L’analyse en single-cell RNA sequencing révèle un profil transcriptionnel similaire entre les lymphocytes T CD8 des zones périlésionnelles et ceux des zones saines chez les patients atteints de vitiligo. De plus, les lymphocytes T isolés de peau saine de patients vitiligo présentent une réponse immunitaire distincte de celle des lymphocytes T provenant de donneurs sains, avec une production accrue de cytokines pro-inflammatoires telles que l’IFN-γ. Le profil sécrétoire des lymphocytes T des zones saines de patients vitiligo apparaît intermédiaire entre celui des lymphocytes périlésionnels et celui des donneurs sains. Dans les zones non lésionnelles, une infiltration accrue de lymphocytes T régulateurs (Treg) est observée, ainsi qu’une augmentation de l’expression de PD-1 par les lymphocytes T CD8, en comparaison avec les zones périlésionnelles.
Dans une seconde partie de l’étude, l’impact d’un inhibiteur sélectif des JAK, le baricitinib, combiné à une photothérapie par UVB, a été évalué. Ce traitement conduit à une augmentation du nombre de lymphocytes T régulateurs en zone périlésionnelle, ainsi qu’une hausse des lymphocytes T CD8 exprimant PD-1.
Ainsi, dans la peau non lésionnelle, les lymphocytes T régulateurs jouent un rôle majeur en limitant l’action des lymphocytes T CD8, responsables de la dépigmentation. Ces données suggèrent l’existence d’un équilibre immunitaire fragile dans les zones saines, et ouvrent la voie à des stratégies thérapeutiques visant à renforcer la régulation immunitaire pour prévenir la progression des lésions.
Marion Carette, Rouen
La pemphigoïde bulleuse (PB) est la maladie bulleuse auto-immune la plus fréquente. Cliniquement, elle se manifeste par des bulles à toit tendu sur une peau érythémateuse, urticarienne ou eczématiforme, accompagnées d’un prurit parfois très sévère. En histologie, on observe des dépôts linéaires d’anticorps dirigés contre les protéines BP180 et BP230 au niveau de la jonction dermo-épidermique. Ces auto-anticorps sont également détectables dans le sérum des patients, souvent associés à une élévation des IgE totales, des IgE spécifiques dirigées contre BP180, ainsi qu’à une éosinophilie périphérique.
Le traitement de première intention repose sur l’utilisation de dermocorticoïdes, notamment en application topique. Cependant, ces traitements peuvent être mal tolérés chez les patients âgés ou fragiles, soulignant la nécessité de développer des alternatives thérapeutiques.
L’omalizumab est un anticorps monoclonal ciblant spécifiquement les IgE, utilisé notamment dans l’asthme allergique sévère et l’urticaire chronique spontanée. L’objectif de cette étude était d’évaluer si la présence initiale d’IgE anti-BP180 pouvait représenter un facteur prédictif de réponse à l’omalizumab dans la PB.
Il s’agissait d’une étude rétrospective, monocentrique, menée au CHU de Rouen entre janvier 2019 et avril 2024. Les patients inclus présentaient une PB confirmée et avaient été traités par omalizumab. Les patients ayant reçu l’omalizumab pour une autre indication étaient exclus. Une méthode ELISA spécifique a été développée pour quantifier les IgE dirigées contre BP180.
Au total, 28 patients ont été inclus, dont 21 % présentaient une PB immuno-induite. Tous étaient en phase active de la maladie au moment de l’introduction de l’omalizumab, certains présentant une forme sévère. Quinze patients avaient des IgE anti-BP180 détectables, tandis que treize n’en avaient pas.
Parmi les patients traités, 65 % ont obtenu une réponse complète sans rechute. Un patient n’a présenté aucune réponse clinique. L’analyse statistique n’a pas mis en évidence de différence significative entre répondeurs et non-répondeurs selon la présence ou l'absence d’IgE anti-BP180. En revanche, la réponse favorable au traitement semblait corrélée à des taux élevés d’IgG anti-BP180, suggérant que l’efficacité de l’omalizumab pourrait impliquer des mécanismes plus complexes que la simple neutralisation des IgE.
Ainsi, la présence d’IgE anti-BP180 ne constitue pas un marqueur prédictif fiable de réponse à l’omalizumab, et leur dosage en routine ne semble pas pertinent. En revanche, le suivi des IgG anti-BP180 demeure un outil essentiel pour évaluer l’activité de la maladie.
Modérateurs : Charles Bodet & Nicolas Lévêque
Nathalie Boulanger, UR3073, PHAVI, Groupe Borrelia, Université de Strasbourg
La peau joue un rôle central dans les zoonoses, à la fois comme interface d’entrée du pathogène et comme acteur immunitaire essentiel. Certaines affections présentent des lésions cutanées caractéristiques, comme les escarres d’inoculation dans la fièvre boutonneuse méditerranéenne.
La borréliose de Lyme est une maladie vectorielle causée par des bactéries du genre Borrelia, transmises par des tiques du type Ixodes, strictement hématophages, en particulier à l’état de nymphe. Il s’agit de la première maladie vectorielle de l’hémisphère nord. La lésion typique de la primo-infection est l’érythème migrant. En l’absence de traitement antibiotique ou en cas de déficit immunitaire, la maladie peut évoluer vers des atteintes neurologiques (neuroborréliose), articulaires (arthrite des grosses articulations) ou cutanées (lymphocytome borrélien, acrodermatite chronique atrophiante à un stade tardif).
Une tique contient plusieurs souches de bactériennes avec des tropismes différents pour les organes. La peau constitue donc à la fois un filtre et un site d’amplification pour Borrelia. La salive de l’arthropode a un rôle dans la virulence. En effet, si on transfecte la bactérie indépendamment de la salive, elle est moins virulente. La salive inhibe l’agrégation plaquettaire, la coagulation, la vaso-dilatation et les signaux de douleur. Elle agit également sur l’immunité acquise en inhibant les LTCD4 et la sécrétion d’anticorps et l’immunité innée au niveau du complément, des PNN, NK, cellules dendritiques et en modulant la sécrétion de chimiokines (défensines, cathélicidines).
Lorsque des kératinocytes humains primaires sont exposés à Borrelia in vitro, l’inflammation est fortement réduite en présence de salive de tique, avec notamment une baisse marquée de la cathélicidine dans le surnageant. Chez la souris, l’injection de Borrelia seule entraîne une surexpression des gènes pro-inflammatoires, notamment TNF-α, effet absent lorsque la salive est co-injectée.
Un enjeu majeur actuel est le développement d’un outil diagnostique fiable pour la maladie de Lyme. Le diagnostic est compliqué : une sérologie positive ne signifie qu’un contact antérieur avec la bactérie, tandis que la détection directe est difficile en raison de la rareté du spirochète dans les tissus. L’approche explorée ici repose sur une méthode protéomique visant à isoler des protéines spécifiques de Borrelia. Dans un modèle murin, des biopsies cutanées ont été réalisées 7 jours après inoculation, puis les protéines en ont été extraites, identifiées par chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse. Vingt-quatre protéines spécifiques ont ainsi été isolées et confirmées par spéctrométrie de masse ciblée cette fois ci.
La transposition de cette méthode à l’humain montre que la culture présente une faible sensibilité, tandis que la PCR et la protéomique apparaissent comme des approches complémentaires. L'idée d’utiliser des dermocorticoïdes pour favoriser la prolifération de Borrelia via l’inhibition immunitaire s’est révélée décevante ; le clobétasol est le plus efficace, mais reste limité.
Un dernier axe exploré est le rôle du microbiote cutané. Il est observé que certains forestiers sont davantage piqués que d’autres, probablement en raison de différences dans leur microbiote cutané. Certaines études suggèrent qu’au cours du repas sanguin, le microbiote de la souris devient similaire à celui de la peau humaine. L'effet facilitateur ou protecteur de ce microbiote sur l’infection reste débattu. Par ailleurs, le microbiote de la tique semble également jouer un rôle.
Ainsi, au triptyque classique des zoonoses (hôte, vecteur, pathogène), il est pertinent d’ajouter une quatrième composante essentielle : le microbiote.
Cynthia Cavillon, Poitiers
virus Usutu appartient à la famille des Flaviviridae, genre Orthoflavivirus. Il s’agit d’un arbovirus enveloppé à ARN simple brin. Son cycle est enzootique, avec les oiseaux comme principaux réservoirs. Les moustiques jouent le rôle de vecteurs, tandis que l’Homme et le cheval sont des hôtes accidentels.
L’infection par ce virus se manifeste le plus souvent par un syndrome pseudo-grippal, mais peut parfois évoluer vers une méningite ou une encéphalite. Le virus a été identifié pour la première fois en Afrique du Sud. En France, le premier cas humain a été rapporté en 2016.
Lors de la piqûre, le moustique injecte le virus dans l’épiderme et le derme en recherchant un vaisseau sanguin. La peau constitue ainsi un site clé d’inoculation et d’amplification virale. L’infection déclenche l’immunité innée par l’activation de récepteurs tels que RIG-I et MDA5, induisant la production d’interférons de type I notamment.
La peau est un organe naturellement hypoxique, capable d’activer des mécanismes d’adaptation via les facteurs induits par l’hypoxie (HIF). Ces facteurs sont stabilisés en hypoxie et dégradés en conditions normoxiques. L’objectif de cette étude était d’évaluer l’effet de l’hypoxie sur :
Des kératinocytes humains génétiquement modifiés (KO pour HIF-1α ou HIF-2α) ont été infectés par le virus Usutu. L’expression des gènes antiviraux a été évaluée par RT-qPCR. Les cellules ont été incubées soit en conditions normoxiques (20 % O₂), soit en conditions hypoxiques (1 % O₂).
Ces données suggèrent un rôle spécifique de HIF-1α dans la régulation de l’immunité cutanée face au virus Usutu. Le facteur semble à la fois moduler la réplication virale et renforcer la réponse antivirale. Une confirmation au niveau protéomique est désormais nécessaire pour valider ces résultats.
Bastien Tirtiaux, Namur
Le microbiote cutané est composé de bactéries, mais aussi de champignons, parmi lesquels on retrouve Malassezia. Il s'agit d'une levure lipodépendante que l’on observe principalement dans les zones séborrhéiques de la peau, car elle se nourrit de sébum. Bien que généralement commensale, cette levure peut, dans certaines conditions, devenir pathogène. Elle est alors impliquée dans plusieurs dermatoses comme la dermite séborrhéique ou le pityriasis versicolor.
Sous sa forme commensale, Malassezia reste au stade de levure, localisée en surface de l’épiderme. La transition vers une forme pathogène est associée à la formation d’hyphes, qui peuvent envahir la couche cornée de la peau.
L’objectif de cette étude était de développer un modèle d’infection cutanée par Malassezia, en utilisant des épidermes humains reconstruits supplémentés en huile d’olive, afin de mimer la présence de sébum. Les résultats montrent que la virulence dépend fortement de la souche utilisée. Certaines souches altèrent la barrière épidermique et induisent une réponse inflammatoire caractérisée par la production de cytokines et de peptides antimicrobiens par les kératinocytes. D’autres souches, en revanche, restent en surface sans déclencher de réponse immunitaire.
En parallèle, et en s’appuyant sur les connaissances acquises chez l’organisme modèle Ustilago maydis, dont la reproduction sexuée implique la formation d’hyphes, il a été émis l’hypothèse que la formation d’hyphes chez Malassezia pourrait également être liée à son cycle sexué. Celui-ci est contrôlé par des gènes de mating organisés en deux loci :
Lorsque deux cellules compatibles entrent en contact, la fusion cellulaire peut avoir lieu, ce qui permet la formation d’hyphes.
Pour étudier ce processus, deux souches haploïdes portant chacune un gène de résistance à un antibiotique différent ont été co-incubées. Après ajout des deux antibiotiques au milieu de culture, seules les cellules ayant fusionné (donc diploïdes ou hétérocaryotiques) peuvent survivre. Cette expérience a montré que :
Les souches issues de ces croisements ont ensuite été ré-inoculées sur épiderme humain reconstruit, afin d'évaluer leur capacité à former des hyphes et à induire une réponse immunitaire. Toutes ne produisent pas d’hyphes, et toutes ne déclenchent pas une réponse inflammatoire.
Ces observations suggèrent que la formation d’hyphes ne suffit pas à expliquer la virulence de certaines souches de Malassezia. D’autres facteurs, encore à identifier, semblent intervenir dans le pouvoir pathogène de cette levure.
Laure Gibot, Toulouse
L’oxyde nitrique (NO°) est un radical libre gazeux aux multiples fonctions biologiques. Il intervient notamment dans :
L’objectif de cette étude était de concevoir un complexe capable de libérer du NO de manière contrôlée sous l’effet de la lumière, afin d’induire un effet antibactérien tout en préservant la viabilité des cellules environnantes, notamment les fibroblastes.
Plusieurs complexes de ruthénium lié au nitrosyle (RuNO) ont ainsi été synthétisés et testés in vitro sur deux bactéries pathogènes fréquentes :
De plus, la résistance sur les cellules environnantes a été testé grâce à ses cellules humaines cutanées primaires (fibroblastes dermiques et kératinocytes), cultivées en monocouche 2D, exposées à des doses croissantes des différents complexes RuNO, illuminés ou non. Leur aspect morphologique, leur prolifération ainsi que leur capacité migratoire ont été mesurés par vidéomicroscopie.
Parmi les complexes testés, un candidat s’est distingué par sa forte capacité à inhiber la prolifération de S. aureus après photoactivation, sans présenter d’effet cytotoxique sur les fibroblastes. Au contraire, un effet pro-prolifératif a été observé sur ces cellules, ce qui pourrait s’avérer intéressant dans le contexte de la cicatrisation. Cependant, les tests de migration cellulaire n’ont montré aucun effet significatif.
En résumé, cette étude rapporte le développement d’un complexe NO–ruthénium photo-activable, qui :
Les recherches futures viseront à :
Laure Guenin-Macé, U1224, Immunobiology and Therapy Unit, Institut Pasteur, Université Paris Cité
L’hidradénite suppurée (HS) est une maladie inflammatoire chronique caractérisée par des poussées d’abcès douloureux avec écoulements localisés principalement au niveau des grands plis. Sa prévalence mondiale est estimée entre 1 et 4 %, avec une nette prédominance féminine (rapport 3:1).
La maladie est multifactorielle, impliquant une composante génétique (30 % des cas ont des antécédents familiaux), une dérégulation immunitaire, une dysbiose du microbiote cutané, ainsi que des facteurs de risque comme l’obésité et le tabac. Le traitement reste principalement symptomatique : antibiotiques lors des poussées et immunomodulateurs.
Les études ont montré que les lésions cutanées sont marquées par un important infiltrat immunitaire, composé notamment de polynucléaires neutrophiles (PNN) et de macrophages, associés à une activation des réponses Th1 et Th17. L'épiderme devient alors psoriasiforme, avec formation de tissu cicatriciel. Bien que non infectieuse, l’HS s’accompagne d’une dysbiose caractérisée par une surreprésentation de bactéries anaérobies (Prevotella, Porphyromonas, Fusobacterium), absentes ou rares dans une peau saine. Cette altération favorise l’inflammation et les processus pro-fibrosants. La persistance de biofilms est également impliquée dans les rechutes.
Le but ici était d’étudier le lien entre la dysbiose et la régulation de la b ainsi que les facteurs conduisant à la dysbiose.
Deux approches complémentaires ont été utilisées. La première consistait à analyser le profil métabolomique des zones lésionnelles et péri-lésionnelles. La seconde portait sur la réponse humorale des patients.
L’étude métabolomique a révélé une signature spécifique dans les lésions des patients atteints d’hidradénite suppurée, différente de celle observée chez les individus sains. Les zones péri-lésionnelles présentaient un profil intermédiaire, ce qui suggère une évolution progressive des altérations métaboliques. Une perturbation du métabolisme du tryptophane a été observée, caractérisée par une accumulation de quinolinate (produit de dégradation du tryptophane) dans le derme et une baisse des taux de tryptophane dans l’organisme.
Le tryptophane est un acide aminé essentiel métabolisé dans plusieurs tissus, notamment le foie, le système nerveux central, l’intestin et la peau. Dans la peau, il est principalement transformé en kynurénine, un processus régulé par l’enzyme IDO1. Cette enzyme est activée par des signaux inflammatoires comme l’interféron gamma et l’interleukine 1 bêta. Dans l’intestin, le tryptophane est également métabolisé en sérotonine ou en dérivés indoliques produits par les bactéries. Ces dérivés, ainsi que la kynurénine sont des ligands du récepteur AHR, ou Aryl Hydrocarbon Receptor. Ce récepteur est présent dans la peau et l’intestin, et joue un rôle important dans le métabolisme de substances toxiques et dans la régulation de la réponse immunitaire.
Chez les patients atteints d’Hidradénite suppurée, l’environnement inflammatoire favorise la voie des kynurénines avec une augmentation de l’activité de IDO et donc une déplétion du tryptophane. Cela conduit à une déplétion en agonistes de AHR et un maintien de l’inflammation chronique.
La seconde étude s’est intéressée à la réponse humorale. Elle a mis en évidence une réponse immunitaire spécifique chez les patients présentant des formes sévères d’HS. Des anticorps IgG et IgA dirigés contre certaines bactéries anaérobies, notamment Porphyromonas uenonis et P. bivia, ont été retrouvés en quantité plus élevée dans le sérum de ces patients. La présence d’IgA sécrétoires dans le sang, normalement limitées aux muqueuses, suggère une rupture de la barrière cutanée.
Des biopsies de peau prélevées chez des patients sévèrement atteints ont montré que Porphyromonas uenonis était capable d’envahir l’épiderme. Ce phénomène est associé à une infiltration de l’épiderme par des plasmocytes CD138 positifs, producteurs d’IgA, normalement confiné au derme. Des expériences in vitro ont confirmé que l’exposition de kératinocytes à P. uenonis induit une production accrue de marqueurs inflammatoires tels que CCL20, IL-8 et IL-1β. Chez la souris, l’application de cette bactérie sur la peau de l’oreille conduit à une augmentation d’IgG et IgA spécifiques de la bactérie au niveau local mais aussi dans le sérum, avec une infiltration de plasmocytes dans l’épiderme mis en évidence par imagerie confocale.
Ces données suggèrent que Porphyromonas uenonis joue un rôle clé dans les formes sévères d’hidradénite suppurée. La pathogénicité de cette bactérie pourrait reposer sur sa capacité à perturber la barrière cutanée et à stimuler une réponse immunitaire inappropriée.
En résumé, les patients atteints d’hidradénite suppurée présentent une perturbation du métabolisme du tryptophane à l’interface entre microbiote cutané et cellules immunitaires résidentes. Dans les formes sévères, un déséquilibre du microbiote permet l’expansion de bactéries pathogènes comme P. uenonis, responsables d’une réponse humorale excessive qui entretient l’inflammation. Ces conclusions ouvrent la voie à des perspectives thérapeutiques visant à restaurer le microbiote et trouver des stratégies reposant sur des antibiotiques ciblés. D’autres études sont nécessaires pour approfondir ces pistes et mieux comprendre les interactions entre microbiote, métabolisme et inflammation cutanée.
Marie-Claire Mechin, Toulouse
Vulcanodinium rugosum est une microalgue unicellulaire appartenant au groupe des dinoflagellés. Cette espèce émergente est toxique et peut provoquer des lésions cutanées par simple contact direct. Elle se développe préférentiellement dans des eaux chaudes et salées, et a été identifiée dans plusieurs régions : au large de Cuba, dans le golfe du Mexique, mais aussi plus récemment au large de Dakar et en Méditerranée.
L’exposition cutanée à cette microalgue peut entraîner des lésions étendues, parfois associées à de la fièvre. Le traitement reste uniquement symptomatique, reposant sur l’administration d’antihistaminiques, d’antibiotiques et d’antalgiques. Les conséquences sanitaires et économiques sont importantes : arrêts de travail prolongés, interdictions de baignade et de pêche, ainsi que la suspension des activités d’élevages marins en raison du risque de contamination de la chaîne alimentaire.
La toxine en cause, la portimine A, est une molécule lipophile identifiée dans tous les échantillons environnementaux analysés (biomasse, filets, eau de mer, sédiments, moules et coquillages).
Pour étudier ses effets sur la peau, un modèle d’épiderme humain reconstruit et différencié a été utilisé. La portimine A a été appliquée à différentes concentrations aux jours J6 et J8 de culture, puis les échantillons ont été récoltés à J10. Les premières altérations tissulaires apparaissent à des doses supérieures à 2,4 ng/mL. À ces concentrations, on observe une rupture de l’intégrité du tissu entre la couche basale et la couche épineuse, accompagnée de la formation de bulles, d’acantholyses et d’une agranulose. Les cellules montrent des signes d’apoptose ou de pyroptose, bien que la couche basale reste fixée au support.
Les observations en microscopie électronique à transmission confirment ces résultats : réduction du nombre d’assises de cornéocytes dans la couche cornée, absence de couche granuleuse (agranulose), rupture du tissu au niveau de la couche épineuse, et dissociation des desmosomes.
Un test de perméabilité utilisant le Lucifer Yellow met en évidence une altération de la fonction barrière, suggérant un dysfonctionnement des jonctions serrées. Cette hypothèse est renforcée par la perte d’expression de CLDN1, une protéine essentielle des jonctions serrées.
En résumé, la portimine A entraîne une altération de la différenciation des kératinocytes (agranulose, acantholyse), une perte de cohésion cellulaire (diminution des desmogléines 1 et 2), et une rupture de la fonction barrière (baisse de la loricrine et de la profilaggrine). Ces effets sont associés à une augmentation de la sécrétion d’IL-1β.
Les mécanismes sous-jacents pourraient impliquer la pyroptose, une forme de mort cellulaire programmée, ainsi que l’activation de l’inflammasome NLRP1, contribuant à la libération d’IL-1β et à l’inflammation cutanée.
Thomas Poisot, Paris
Le lichen plan est une dermatose inflammatoire chronique, caractérisée par une dermite d’interface marquée par un infiltrat dense de lymphocytes ciblant la membrane basale et entraînant la mort des kératinocytes. Les traitements actuels restent peu efficaces et reposent principalement sur l’administration de corticoïdes systémiques, de rétinoïdes ou d’immunosuppresseurs. Une meilleure compréhension des mécanismes physiopathologiques sous-jacents permettrait d’envisager de nouvelles approches thérapeutiques plus efficaces.
Il a été démontré que, dans le lichen plan, les lymphocytes T cytotoxiques et les lymphocytes T régulateurs interagissent préférentiellement avec les kératinocytes et les fibroblastes, ces derniers étant fortement exposés aux interférons de type I et II. L’objectif de cette étude est d’explorer l’effet des interférons de type I (IFN-α et IFN-β) et de type II (IFN-γ) sur l’interaction entre les lymphocytes T cytotoxiques (CD8+) et les kératinocytes.
Pour cela, un modèle de co-culture allogénique a été développé, associant des kératinocytes humains primaires préalablement stimulés par les interférons alpha et bêta, à des lymphocytes T activés via les récepteurs CD3 et CD28. Les résultats montrent que la stimulation des kératinocytes par l’IFN-β accentue l’apoptose induite par les lymphocytes T CD8+, via un mécanisme dépendant du complexe majeur d’histocompatibilité (HLA). Cette stimulation est également associée à une augmentation de la dégranulation des lymphocytes T CD8+. Ces observations ont été confirmées dans un modèle autologue, associant kératinocytes et lymphocytes issus du même donneur.
Ainsi, l’activation de la voie des interférons de type I, et en particulier de IFN-β, joue un rôle central dans la communication entre kératinocytes et lymphocytes T CD8+. Ces résultats suggèrent que l’IFN-β pourrait être un médiateur clé dans la physiopathologie du lichen plan, et ouvre des perspectives pour le développement de traitements ciblant spécifiquement cette voie.
Abderrazak El Albani, IC2MP, Université de Poitiers Géologue
À la découverte de nos origines profondes avec Abderrazak El Albani
La dernière conférence de la journée a abordé un tout autre sujet que la dermatologie. À travers de nombreuses images fascinantes, le géologue Abderrazak El Albani nous a emmenés explorer nos origines les plus lointaines, remontant à 4,5 milliards d’années, date de la formation de la Terre.
Grâce à la géochronologie et à l’analyse des inclusions d’éléments chimiques dans les chondrites, il est désormais possible de dater les grandes étapes de l’histoire terrestre. Après sa formation, la Terre a subi un bombardement météoritique intense, dont la fin est estimée à environ 3,8 milliards d’années.
Vers 3,5 milliards d’années, les premiers organismes photosynthétiques, notamment les cyanobactéries, ont commencé à se développer. Puis, vers 2,4 milliards d’années, une première oxygénation de l’atmosphère (le Great Oxidation Event) est survenue, probablement en lien avec un épisode glaciaire. Cela a ouvert la voie, vers 2,1 milliards d’années, à l’apparition des premiers êtres pluricellulaires et à la formation des premiers écosystèmes complexes.
Les premiers jalons de la théorie de l’évolution ont été posés par Charles Darwin, auteur de L’Origine des espèces (1859), notamment grâce à l’étude des fossiles. Darwin considérait l’évolution comme un processus graduel. Toutefois, il reconnaissait l’imperfection du registre géologique, en particulier l’existence de longues périodes sans fossiles apparents, ce qu’on appelle aujourd’hui le vide précambrien.
Ce « vide » est frappant : les roches précambriennes (datant d’avant ~541 millions d’années) couvrent 88 % de l’histoire de la Terre, mais ne contiennent que très peu de fossiles. En revanche, le Cambrien montre une explosion soudaine de formes de vie complexes, événement connu sous le nom d’explosion cambrienne.
Darwin en parle dans le chapitre 10 de son livre, intitulé De l’imperfection des archives géologiques. Il avance plusieurs explications :
Heureusement, les progrès des techniques d’analyse (imagerie 3D, microscopie, microtomographie…) permettent désormais de revisiter ces périodes.
Au début du Cambrien par contre, on observe une diversification soudaine et massive des formes de vie à coquilles dures. Ainsi, au Canada par exemple a été mis en évidence un site avec une préservation exceptionnelle de fossiles dans les Schistes de Burgess (Patimoine Mondial de l’UNESCO). On y trouve notamment des fossiles de Marrella splendens, un arthropode primitif. Le Maroc, quant à lui, est l’un des sites les plus riches au monde pour les fossiles de trilobites, notamment dans les montagnes de l’Anti-Atlas. Ils montrent une extraordinaire préservation en 3D dans des schistes et calcaires fins formant une coque de cendre à la manière d’un « Pompéi océanique ».
Le Gabon abrite un site paléontologique majeur connu pour ses fossiles exceptionnels datant du Précambrien, en particulier du Paléoprotérozoïque (environ 2,1 milliards d’années). Ce site est unique à l’échelle mondiale et permet d’explorer davantage le « vide pré-cambrien » parmi ces terres d’argile finement laminée. Grâce à la microtomographie, il est possible d’obtenir des images 3D très détaillées de ces fossiles incrustés dans des argiles finement laminées. Certains présentent des plissements évoquant des mouvements biologiques, renforçant l’hypothèse de leur origine vivante.
Le travail des géologues consiste à chercher la vie dans la pierre, en tentant de résoudre le grand défi de nos origines biologiques. À mesure que la technologie progresse, le vide précambrien devient de moins en moins vide, et de nouveaux récits de l’histoire de la vie émergent des profondeurs du temps.
Aujourd’hui, c’est l’humain qui laisse une empreinte indélébile sur la Terre. Comme le rappelait Buffon :
« La face entière de la Terre porte aujourd’hui l’empreinte de la puissance de l’homme ».
Nous sommes entrés dans une nouvelle ère géologique : celle de l’Anthropocène.
(Thymic stromal lymphopoietin in skin immunity: from allergy to cutaneous melanoma)
Mei Li, IGBMC, CNRS UMR 7104 - INSERM U1258, Université de Strasbourg
La TSLP (Thymic Stromal Lymphopoietin) est une cytokine produite principalement par les cellules épithéliales, notamment celles de la peau, des voies respiratoires, du tube digestif et du thymus. Elle est fortement exprimée chez les patients atteints de dermatite atopique et joue un rôle central dans l’activation des cellules du système immunitaire.
TSLP active les cellules dendritiques (DCs), lesquelles migrent vers les ganglions lymphatiques et induisent une polarisation des lymphocytes T CD4⁺ vers un profil Th2 (interleukines IL-4, IL-5, IL-13), typique des maladies atopiques.
Le modèle murin "MC903-induced TSLP" est couramment utilisé pour étudier les mécanismes de l’inflammation cutanée. L’application topique de MC903 (un analogue de la vitamine D3) sur la peau de souris entraîne une surexpression locale de TSLP, mimant les caractéristiques de la dermatite atopique humaine.
Paradoxalement, il a été démontré que la TSLP peut aussi induire une réponse immunorégulatrice, en activant les lymphocytes T régulateurs (Tregs) via l’interaction OX40L/OX40. Cette voie est activée en aval du récepteur de la TSLP sur certaines cellules dendritiques.
Toutefois, ce n’est pas la simple exposition à la TSLP qui induit l’expression d’OX40L, mais bien l’activation de sous-populations spécifiques de cellules dendritiques dotées d’un profil transcriptomique particulier.
Ainsi, outre son implication dans les maladies allergiques, la TSLP joue également un rôle dans le microenvironnement tumoral. Elle est surexprimée dans plusieurs cancers cutanés comme les carcinomes basocellulaires et épidermoïdes, où elle favorise un environnement tolérogène. Elle contribue également à l’accumulation de cellules dendritiques tolérogènes dans les mélanomes, interagissant avec les Tregs via la voie GATA3, un facteur de transcription associé à la régulation immunitaire.
Sa dualité en fait une cible thérapeutique prometteuse, tant dans les maladies inflammatoires que dans les tumeurs.
Mathilde Choteau, Bruxelles
L’IL-24 est une interleukine appartenant à la sous-famille IL-20, produite par diverses cellules épithéliales et immunitaires. Son action s’exerce principalement sur les cellules épithéliales, en particulier les kératinocytes, qu’elle stimule pour favoriser la prolifération, la migration cellulaire et la réparation tissulaire. Elle induit également la production de peptides antimicrobiens, contribuant à la défense de la barrière cutanée.
Des niveaux élevés d’IL-24 ont été observés dans plusieurs maladies inflammatoires, notamment le psoriasis et certaines maladies auto-immunes. Par ailleurs, l’IL-24 possède des propriétés antitumorales décrites dans divers modèles : elle peut induire l’apoptose de nombreuses cellules cancéreuses (mélanome, cancer du sein, de la prostate, du pancréas ou encore gliome) tout en épargnant les cellules saines, et inhiber l’angiogenèse ainsi que l’invasion tumorale.
Trois types de récepteurs pour l’IL-24 ont été décrits, notamment des récepteurs de type II constitués des chaînes IL-20Rβ et IL-22Rα1.
Cette étude explore le rôle de l’IL-24 dans la tumorigenèse cutanée à l’aide d’un modèle murin de carcinome épidermoïde induit par le DMBA, un pro-carcinogène topique appliqué sur le dos des souris.
Cette observation suggère un rôle pro-tumoral inattendu de l’IL-24, en contradiction avec ses effets antitumoraux décrits précédemment.
Des résultats similaires sont observés chez les souris déficientes pour les chaînes IL-20Rβ et IL-22Rα1, composants du récepteur de type II de l’IL-24. En revanche, les souris déficientes pour IL-22 conservent un phénotype tumoral comparable aux souris sauvages, ce qui exclut un effet indirect via IL-22.
L’analyse par qPCR des gènes liés à la prolifération, l’apoptose, l’invasion, l’angiogenèse ou l’inflammation ne révèle pas de différence significative entre souris sauvages et IL-24-KO. Cependant, deux gènes – S100a8 et S100a9, fortement exprimés dans les carcinomes épidermoïdes – sont significativement moins exprimés chez les souris IL-24-KO.
Cette régulation est confirmée in vitro : des cultures de kératinocytes humanisés stimulés par l’IL-24 présentent une surexpression de S100a8 et S100a9.
Ces résultats mettent en évidence un rôle pro-carcinogène inattendu de l’IL-24 dans le modèle de carcinome épidermoïde, dépendant de ses récepteurs extracellulaires – en particulier ceux de type II. L’effet semble indépendant de l’histologie tumorale ou du profil immunitaire, mais impliqué dans l’activation de S100a8/a9, potentiellement responsables de l’effet tumorigène.
Julie Clachet, Bordeaux
Le carcinome épidermoïde cutané (CE) est le deuxième cancer de la peau le plus fréquent, et son incidence est en constante augmentation. Les principaux facteurs de risque identifiés sont l’exposition chronique aux rayons ultraviolets (UV), l’âge avancé et un phototype clair.
La kératose actinique (KA) est une lésion précancéreuse induite par l’exposition prolongée aux UV. Elle se manifeste cliniquement par des plaques squameuses. Bien que la KA puisse évoluer en CE, cette progression n’est ni systématique ni prévisible, et aucun marqueur fiable ne permet actuellement d’anticiper cette transformation.
Les télocytes sont des cellules présentes dans de nombreux organes (intestin, cœur, peau), reconnaissables par leur petit corps cellulaire et leurs prolongements cytoplasmiques très fins et allongés. Ils assurent la communication intercellulaire, jouant un rôle essentiel dans le maintien de l’homéostasie tissulaire.
Dans plusieurs types de cancers, comme le cancer du sein ou colorectal, les télocytes sont considérés comme des biomarqueurs de progression tumorale.
Au niveau cutané, la microscopie électronique révèle leur présence autour des annexes cutanées, où ils forment un réseau intercellulaire. Cependant, dans le CE, une disparition des télocytes a été observée, mise en évidence par la perte d’expression du marqueur CD34 en immunohistochimie. À l’inverse, dans les KA, deux profils distincts de télocytes sont observés, suggérant peut-être qu’une perte de CD34 pourrait être associée à la progression vers un CE.
Pour explorer cette hypothèse, des télocytes dérivés du derme de plasties mammaires ont été isolés via leur expression de CD34, puis co-cultivés avec des cellules tumorales.
Un modèle 3D basé sur un hydrogel de fibrine a permis d’approfondir cette interaction : l’exposition des télocytes au surnageant tumoral provoque une perte de leur dendricité et une modification de leur profil sécrétoire, avec une augmentation de l’IL-8 et du VEGF-A, deux facteurs connus pour leur rôle dans l’angiogenèse et la croissance tumorale.
Cette étude suggère que les télocytes, au-delà de leur rôle structural et homéostatique, pourraient être impliqués dans la progression tumorale cutanée. La perte de CD34 chez les télocytes pourrait constituer un marqueur précoce de transformation maligne, et leur profil sécrétoire en réponse à l’environnement tumoral mérite d’être davantage exploré.
( Modeling XP-C Pigmentary Abnormalities Using Xenopus laevis: A Novel In Vivo Approach )
Ali Nasrallah, Bordeaux
Le Xeroderma Pigmentosum (XP) est une maladie génétique rare, caractérisée par un défaut du système de réparation de l’ADN, en particulier du mécanisme de réparation par excision de nucléotides (NER : nucleotide excision repair). Ce déficit entraîne une hypersensibilité aux dommages induits par les rayons ultraviolets (UV). Les patients atteints présentent un risque fortement accru de développer de multiples tumeurs cutanées, bénignes ou malignes, ainsi qu’une hyperpigmentation. Il est établi que l’exposition aux UVB entraîne un épaississement de l’épiderme et une hyperpigmentation, traduisant une activation de la mélanogenèse, une prolifération accrue des cellules et une augmentation de la dendricité des mélanocytes.
Actuellement, il existe peu de modèles expérimentaux permettant d’étudier efficacement cette pathologie. Dans cette étude, les auteurs identifient Xenopus laevis comme un modèle vertébré pertinent pour explorer la physiopathologie du XP-C. Ce modèle présente plusieurs avantages : une reproduction rapide et facile, ainsi qu’une organisation des mélanocytes et une architecture épidermique comparables à celles de la peau humaine.
Après exposition aux UVB, les embryons de Xenopus présentent des réponses caractéristiques aux dommages de l’ADN : activation des voies de réparation, augmentation de l’apoptose, hyperplasie épidermique, et accroissement de la dendricité des mélanocytes — autant de réponses analogues à celles observées chez l’humain, validant ainsi la pertinence du modèle.
Par ailleurs, les auteurs ont mis au point un modèle de Xenopus déficient pour le gène XPC, un composant clé du système NER. Ces embryons présentent un défaut de pigmentation associé à une diminution de l’activité des tyrosines kinases, ainsi qu’à une perte de phosphorylation de protéines impliquées dans l’organisation du cytosquelette, l’adhésion cellulaire et la production de matrice extracellulaire.
En conclusion, cette étude valide Xenopus laevis comme un modèle vivant, sensible, visuel et facilement manipulable pour l’étude du Xeroderma Pigmentosum, en particulier du type C, et ouvre la voie à l’exploration d’autres génodermatoses apparentées.
Christine Baldeshi, INSERM U861, I-Stem, Evry, Université de Paris-Saclay
Le développement de méthodes de culture de cellules souches pluripotentes humaines ouvre la voie à deux grands domaines d'applications thérapeutiques prometteurs :
Cette conférence présente les différentes étapes ayant conduit à la mise au point d'une thérapie cellulaire innovante de l'épiderme, appelée PACE (Pioneer Advanced Cell Therapy of the Epidermis). Cette approche repose sur l’utilisation de feuillets de kératinocytes allogéniques appliqués comme pansement biologique transitoire. Ces cellules sécrètent des cytokines qui favorisent la cicatrisation des berges des plaies.
Cette technique a été testée initialement dans le traitement des ulcères chroniques chez les patients atteints de drépanocytose, une complication qui touche entre 5 et 20 % d’entre eux. À l'heure actuelle, les traitements reposent principalement sur des greffes de peau autologues, qui entraînent la création de plaies supplémentaires chez les patients.
Dans ce projet, un protocole conforme aux Bonnes Pratiques de Fabrication (GMPc) a été établi pour produire des populations fonctionnelles de kératinocytes dérivés de cellules souches pluripotentes. Ces kératinocytes sont ensuite utilisés pour reconstituer un substitut épidermique, combiné à une matrice de fibrine issue du plasma.
Le processus de fabrication a été automatisé dans un système totalement fermé, permettant une production à grande échelle (plusieurs milliards de cellules par lot) tout en maintenant des coûts maîtrisés.
La méthode PACE permet donc d’utiliser les kératinocytes comme pansement biologique actif, stimulant la régénération tissulaire grâce à la sécrétion de facteurs de croissance, notamment l’IL-6.
Pour passer de la recherche fondamentale à une application clinique, il a d’abord été nécessaire d’identifier des milieux de culture et de différenciation kératinocytaires compatibles avec un usage chez l’Homme. Parallèlement, une matrice à base de fibrine a été mise au point, garantissant la densité, la pureté et l’intégrité du feuillet cellulaire.
Plusieurs tests ont été menés pour déterminer la température et la durée de stabilité du produit final. Un ensemble complet de contrôles qualité a également été développé pour valider chaque lot avant transplantation.
Un essai clinique de phase I/II est actuellement en cours sur 20 patients, dans plusieurs centres de la région parisienne ainsi qu’aux Antilles.
Perspectives :
Les perspectives futures incluent :
Un des freins actuels à la généralisation du procédé réside dans la dépendance à des techniques lourdes telles que la microscopie opérateur-dépendante ou la cytométrie en flux, qui entraînent une perte importante de cellules. L’enjeu est donc d’identifier des marqueurs non destructifs et fiables pour valider la qualité des cellules, comme l'utilisation de gènes rapporteurs de la kératine 5, détectables par microscopie holographique, puis de développer des systèmes de reconnaissance automatisés à l’aide de techniques de deep learning.
Elise Levy, Toulouse
Les ichtyoses sont des maladies génétiques rares de la peau, caractérisées par une grande hétérogénéité clinique, incluant notamment une desquamation excessive et une sécheresse cutanée marquée. À ce jour, aucun traitement curatif n'existe ; les prises en charge sont uniquement symptomatiques.
Ces pathologies sont monogéniques et plus de 60 gènes ont été identifiés comme étant impliqués dans la fonction barrière de l’épiderme, qui repose notamment sur la présence de structures lipidiques spécifiques, telles que les céramides. Ces lipides sont synthétisés dans la couche granuleuse et sécrétés dans le stratum corneum, jouant un rôle clé dans l’imperméabilité de la peau.
Dans les ichtyoses, la cascade enzymatique complexe menant à la production de ces lipides est altérée. Toutefois, les modèles d’étude sont limités, notamment en raison de la grande diversité génétique de ces maladies.
L’objectif de cette étude était de créer un panel de modèles d’ichtyoses génétiquement diversifiés, en ciblant différents gènes impliqués dans le métabolisme lipidique.
Pour cela, plusieurs de ces gènes ont été délétés par la technologie CRISPR-Cas9 dans des kératinocytes humains. Les clones mutants ainsi obtenus ont été expansés pour générer des équivalents épidermiques humains, aboutissant à la création de modèles organotypiques d’ichtyose.
Ces modèles ont été validés par :
Deux modèles ont été explorés en particulier :
Leur délétion a conduit à une altération du profil lipidique, une maturation défectueuse des enveloppes cornées, et une détérioration de la fonction barrière.
Il s’agit ici d’une preuve de concept démontrant la faisabilité de la génération de modèles d’ichtyose via édition génomique ciblée. Cela ouvre la voie à la création d’une bibliothèque de modèles correspondant à d’autres gènes impliqués dans le métabolisme des céramides.
Ces modèles pourront être utilisés pour :
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